Page 38 - Miettes
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connaître ma famille, qu’il serait soulagé de ne pas avoir à « tout »
gérer pendant ce temps. Ce n’étaient que le temps de quelques
semaines après tout.
Donc grand-père a fait nos valises, et nous nous sommes envolés
vers ce que grand-père appelait « le paradis ». Sur cette ile de
beauté, entourée des siens, maman allait se rétablir à grande
vitesse, il en était certain. Le climat était doux et ensoleillée, ce qui
redonnerait du baume au cœur et des couleurs à maman, devenue
presque transparente.
C’était la première fois que je voyais autant de monde. Autant de
personnes à la fois pour s’occuper de moi, m’aimer. Cela faisait
beaucoup d’un seul coup. Je rejetais tout le monde en bloc. Mon
papa, je ne voulais que lui et faisais d’interminables colères, toute
rouge, me roulant par terre, hurlant sans raison apparente à la
moindre parole. Maman impuissante dans sa faiblesse physique,
s’inclinait toujours davantage pour essayer de contenir cette fureur
que je renfermais, et qui sortait en salves sans prévenir.
Grand-père s’imposa très vite comme la figure paternelle de
substitution compte tenu des évènements. Je finis par le craindre
un peu, car lui se faisait respecter avec une autorité qui faisait
cruellement défaut à maman. De toute façon, elle n’avait pas la
force ni les moyens de s’opposer à moi. Je m’affirmais donc
aisément. Mamie quant à elle était douce et gentille, j’eus vite fait
de la mettre au pas de mes caprices. Je regrettais ce père qui me
cédait tout au doigt et à l’œil. J’avais clairement perdu au change.
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