Page 36 - Miettes
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avons survécu sans elle et plutôt bien. Puisse-t-elle passer son
chemin, je ne veux plus personne d’autre que mon père.
Ce père qui ne m’avait pas voulue, qui me refusait que je l’appelle
papa, m’avait finalement tout donné en l’absence de maman. Était-
ce par la force des choses qu’il s’était finalement moulé dans son
rôle de père ? Était-ce par opportunité en l’absence de maman ?
Toujours est-il qu’il n’était plus question que je partage mon cœur
désormais. Seul papa pouvait y entrer. Notre relation était devenue
exclusive et maman n’y pourrait rien faire sinon s’adapter.
Cela faisait sourire papa, de constater que je le préférais à
quiconque et que je ne réclamais que ses bras. Lui seul pouvait
m’approcher, me baigner, me donner à manger. Je rejetais toute
autre personne en bloc. Je crois que plus je voyais maman en
attente de mes attentions, d’un regard, d’un sourire… plus je me
sentais puissante. Etais-je devenue un petit tyran ? Non, sûr que
non, j’étais le « bébé d’amour » de papa. Cela signifie que j’étais
dans le vrai. Il m’encourageait d’ailleurs, cela le faisait beaucoup
rire. Il disait que maman exagérait complètement la situation, et
qu’elle ne savait juste pas s’y prendre avec moi. Il lui disait
d’ailleurs qu’elle ressemblait à un mort vivant et que n’importe quel
bébé lui refuserait ses bras. Elle n’avait qu’à se reprendre en
mains. C’était tant pis pour elle. Et je pense en effet, qu’après tout
ça, elle ne me méritait pas, elle ne me méritait plus…
Puis vint le jour où grand-père secoua maman dans sa torpeur.
Cela ne pouvait durer davantage, il fallait qu’elle parte se
reconstruire ailleurs, loin de tout ça. Oui grand-père était resté
plusieurs semaines, il avait prévenu qu’il ne repartirait que quand
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