Page 123 - LES FLEURS DE MA MEMOIRE ET SES JOURS INTRANQUILLES_Neat
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Notre rituel dominical était le Casino de Paris où une amie se produisait
              dans la revue de Roland Petit avec Zizi Jeanmaire et son fameux « Truc en
              Plumes » ! Après le spectacle nous allions déguster les spécialités de sa
              Louisiane natale qu'elle nous cuisinait avec amour. Avec ce rituel dominical,
              nous connaissions parfaitement chaque tableau du spectacle, même les
              costumes dessinés par un jeune couturier très en vogue, Yves Saint-Laurent,
              sans oublier ceux dessinés par le célèbre Erté que j’avais découvert au Lac de
              Côme dans les livres de Luigi, et qui m'avait tant inspiré dans mes créations de
              dessins de tissus. Nous allions également régulièrement à l'Alcazar, où
              quelques amis se produisaient dans ce spectacle présenté par Jean-Marie
              Rivière. Un de mes amis, d’origine écossaise, danseur à l’Alcazar m’appréciait

              énormément, et vint le jour où il me présenta à la chanteuse Dani, très en vogue
              à cette époque. J’attendais un regard de sympathie de sa part qu’elle me rendit
              finalement par une méchante réflexion en anglais, s’imaginant que je n’allais
              pas comprendre. J’étais vêtue de noir, et je portais un turban noir, avec les yeux
              maquillés « charbon » elle n’avait pas trouvé mieux que de s’exprimer sur un
              ton tellement méprisant que je ne l’oublierai jamais : « She looks like a witch ».
              La méchanceté est comme un boomerang et c’est quelques décennies plus tard
              que j’allais m’en rendre compte lors de ses apparitions au cinéma et télévision.


                     Il y avait également dans toutes nos relations, nos voisins de palier,
              Valérie et Tony, un couple de Jamaïcains, lui de couleur, elle blanche d'origine
              anglaise, ils évoluaient également dans le milieu du spectacle. Pour la version
              parentale, cette jeune fille de bonne famille prétextait faire des études à Paris,
              afin de cacher son idylle interdite avec un compatriote de couleur. Pour
              améliorer leur quotidien, et ne pouvant subsister d'amour et d'eau fraîche, ils
              se produisaient en duo chaque soir, sur la scène des Folies Pigalle dans un
              spectacle de nus, auquel nous assistions parfois, et en bons jamaïcains de
              l'époque, la marijuana faisait partie de leur quotidien. C’est chez eux également
              que je rencontrais Jean-Louis Jorge d’origine dominicaine. Il s’était installé à
              Paris afin de concrétiser ses projets de réalisateur cinématographique. Il se
              produisait lui aussi sur scène dans un tableau de nus aux Folies Pigalle, en
              attendant des jours meilleurs. Mais quelques décennies plus tard, j’appris par
              hasard, par l’intermédiaire de l’un de ses amis, sur les réseaux sociaux qu’il
              avait été sauvagement assassiné à Saint-Domingue où il était définitivement
              retourné, par deux jeunes voyous s’imaginant avoir affaire à une personne de
              notoriété donc riche, pour le dépouiller.










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