Page 152 - La pratique spirituelle
P. 152
la matière dense. Une fois intégrée, cette perspective peut être peut être juste ? Ou serait-il préférable que je persévère dans
transposée dans le corps tout entier, qui se subtilise ainsi. l’apprentissage des asanas et pranayamas pour, à terme, parve-
nir à ce que le souffle entre dans la posture ?
* L’écoute est la posture. Le corps n’est qu’un prétexte à son
* * éveil. Lorsque les différentes parties du corps sont écoutées,
Depuis plusieurs mois, je ressens la nécessité de passer par le leur sensibilité, leur vibration, s’éveillent. Laissez cet éveil
corps pour me libérer de mon personnage. Le chant thérapeu- se dérouler dans le silence de votre écoute, en restant dans
tique libère la voix. Le chant choral m’a amené sur ce chemin le non-agir. Si le souffle est accompagné dans les régions du
spirituel. Merci de m’indiquer comment le corps permet de se corps qui en ont besoin, cet accompagnement est passif, sen-
libérer de son conditionnement. sible, comme une vague qui prolonge la mer et vient humidi-
Le corps est un fidèle reflet du mental. Il actualise les ten- fier le rivage. Le souffle traverse alors la région en demande, la
sions, fruits de l’identification au contenu mental. Lorsque la vivifie, en percutant les tensions qui l’encombrent. Les asanas
conscience imprègne le corps, elle le perméabilise, le vivifie, le et pranayamas traditionnels ne sont pas un obstacle, dès lors
transmute. Le souffle prolonge la conscience comme la langue qu’ils sont mis dans la lumière de l’écoute pure, et non objet
prolonge la bouche. Lorsqu’il pénètre une région tendue, il d’une concentration tendue.
en nettoie les tensions et les élimine. Le chant est une expres-
sion du souffle. Il lui ajoute une coloration mélodique. Il est Cet accompagnement consisterait donc en une simple vue de
le souffle mis en forme. À ce titre, il a les vertus du souffle, la présence du souffle, couplée à un consentement à le laisser
associées au son. Il permet ainsi d’entendre le souffle, dans son œuvrer ?
expression chantée. Le chant n’a pas besoin du chanteur pour Oui, une vision passive, dans le sens d’une absence de vou-
être ce qu’il est. Le chanteur n’est qu’une pensée surimposée. loir, et active, dans le sens d’une pleine présence.
Lorsque le chant se dépouille du chanteur, il est vibration. Je ne comprends pas pleinement la phrase « L’écoute est la pos-
Laissé ainsi à sa nature originelle, non déformée par les attri- ture ». Voulez-vous dire par là que l’écoute amène à la juste
buts psychologiques du mental pensant, le chant est émana- posture ?
tion du silence, et ramène au silence aussi inlassablement que Oui. Et aussi que le corps est dans l’écoute, qu’il se dévoile
l’expiration qui s’éteint en lui. en elle, et que c’est donc l’écoute elle-même vers laquelle
pointe le corps.
*
* * L’enseignement du yoga ne pourrait-il pas se limiter à l’ensei-
Je pratique le yoga de l’énergie (une forme de hatha-yoga), mais gnement de l’écoute, pour amener l’enseigné à laisser se déployer
je sens moins le souffle se répandre dans mon corps que lorsque la posture selon cette écoute ?
je me livrais par moi-même à des mouvements lents. Est-ce Il existe des outils différents selon la maturité de chacun.
qu’une approche corporelle « personnelle », guidée par le souffle, Le yoga dans l’esprit se contente d’interroger la nature du je,
152 153