Page 153 - La pratique spirituelle
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la matière dense. Une fois intégrée, cette perspective peut être   peut être juste ? Ou serait-il préférable que je persévère dans
 transposée dans le corps tout entier, qui se subtilise ainsi.  l’apprentissage des asanas et pranayamas pour, à terme, parve-
            nir à ce que le souffle entre dans la posture ?
 *             L’écoute est la posture. Le corps n’est qu’un prétexte à son
 *  *       éveil. Lorsque les différentes parties du corps sont écoutées,

 Depuis plusieurs mois, je ressens la nécessité de passer par le   leur sensibilité, leur vibration, s’éveillent. Laissez cet éveil
 corps pour me libérer de mon personnage. Le chant thérapeu-  se dérouler dans le silence de votre écoute, en restant dans
 tique libère la voix. Le chant choral m’a amené sur ce chemin   le non-agir. Si le souffle est accompagné dans les régions du
 spirituel. Merci de m’indiquer comment le corps permet de se   corps qui en ont besoin, cet accompagnement est passif, sen-
 libérer de son conditionnement.  sible, comme une vague qui prolonge la mer et vient humidi-
 Le corps est un fidèle reflet du mental. Il actualise les ten-  fier le rivage. Le souffle traverse alors la région en demande, la
 sions, fruits de l’identification au contenu mental. Lorsque la   vivifie, en percutant les tensions qui l’encombrent. Les asanas
 conscience imprègne le corps, elle le perméabilise, le vivifie, le   et pranayamas traditionnels ne sont pas un obstacle, dès lors
 transmute. Le souffle prolonge la conscience comme la langue   qu’ils sont mis dans la lumière de l’écoute pure, et non objet
 prolonge la bouche. Lorsqu’il pénètre une région tendue, il   d’une concentration tendue.
 en nettoie les tensions et les élimine. Le chant est une expres-
 sion du souffle. Il lui ajoute une coloration mélodique. Il est   Cet accompagnement consisterait donc en une simple vue de
 le souffle mis en forme. À ce titre, il a les vertus du souffle,   la présence du souffle, couplée à un consentement à le laisser
 associées au son. Il permet ainsi d’entendre le souffle, dans son   œuvrer ?
 expression chantée. Le chant n’a pas besoin du chanteur pour   Oui, une vision passive, dans le sens d’une absence de vou-
 être ce qu’il est. Le chanteur n’est qu’une pensée surimposée.   loir, et active, dans le sens d’une pleine présence.
 Lorsque le chant se dépouille du chanteur, il est vibration.   Je ne comprends pas pleinement la phrase « L’écoute est la pos-
 Laissé ainsi à sa nature originelle, non déformée par les attri-  ture ». Voulez-vous dire par là que l’écoute amène à la juste
 buts psychologiques du mental pensant, le chant est émana-  posture ?
 tion du silence, et ramène au silence aussi inlassablement que   Oui. Et aussi que le corps est dans l’écoute, qu’il se dévoile
 l’expiration qui s’éteint en lui.  en elle, et que c’est donc l’écoute elle-même vers laquelle
            pointe le corps.
 *
 *  *       L’enseignement du yoga ne pourrait-il pas se limiter à l’ensei-
 Je pratique le yoga de l’énergie (une forme de hatha-yoga), mais   gnement de l’écoute, pour amener l’enseigné à laisser se déployer
 je sens moins le souffle se répandre dans mon corps que lorsque   la posture selon cette écoute ?
 je me livrais par moi-même à des mouvements lents. Est-ce   Il existe des outils différents selon la maturité de chacun.
 qu’une approche corporelle « personnelle », guidée par le souffle,   Le yoga dans l’esprit se contente d’interroger la nature du je,



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