Page 162 - La pratique spirituelle
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Avec cette constatation, je décèle donc une identification. Mais             qui est révélation, ne peut être le fruit d’un effort, ou d’une
            on reste dans la dualité n’est-ce pas ?                                      compréhension horizontale, passé-futur. Elle jaillit, au
               Oui, l’habitude de s’identifier au perçu, qui maintient                   moment opportun, tout comme la pomme et le pommier se
            une division entre le regard qui perçoit et l’objet perçu, qui               séparent au moment précis où ils se séparent.
            paraissent être différents, séparés, autonomes et indépendants.
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            Quand cela est bien assimilé et intégré dans le vécu, de sorte que
            la tentation d’identification est torpillée dès qu’elle se présente,         Pensées, émotions, sensations sont intermittentes. Vécues comme
            il semblerait que l’on puisse accéder à l’étape suivante, où il peut         réelles sur l’instant, puis irréelles l’instant d’après, car elles se
            être compris que le Sujet observant le bouchon, et le bouchon                sont évanouies. Quelque chose qui n’existe plus ne peut être
            lui-même sont une seule et même conscience.                                  considéré comme la réalité, car pensées, sensations, émotions
               Oui, la conscience-miroir est un avec le monde qui se réflé-              peuvent être démenties. Est-ce juste ?
            chit en elle.                                                                   Oui.


            Comme tu le dis souvent, alors il n’y a plus d’observateur, d’ob-            Si j’étais la pensée, à l’instant où elle s’éteint, je devrais moi
            servation et d’objet observé.                                                aussi m’éteindre.
               En effet, car la conscience-miroir et les objets réfléchis sont              Oui.
            indissociables. Ils sont une seule et même réalité.
                                                                                         Or, que je sache, je continue d’exister, d’être, je suis toujours là.
                                                                                            En effet.
            Ce doit être cela, l’unité ?
               Oui, la réalité est une. Ses expressions sont multiples, mais             Est-ce une preuve suffisante pour réaliser que je ne suis pas la pen-
            ne remettent jamais en cause l’unité de ce qu’elle est.
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                                                                                         Ou bien y a-t-il d’autres obstacles à sa réalisation ? Dans mon
            Je parle d’étapes, car il semblerait que dans un premier temps               cas, c’est à peu près compris intellectuellement, mais sans réali-
            on ait besoin de bien constater ce phénomène d’identification,               sation stable. Peut-être encore une attraction pour le mental ?
            quitte à demeurer dans la dualité.                                              La conscience est déjà révélée. Ce n’est que l’identifica-
               Cette reconnaissance du mouvement d’identification est                    tion au perçu qui fait oublier l’évidence de la conscience qui
            en effet nécessaire. Sans quoi, il s’autoperpétue, sans fin. La              perçoit.
            question qui vient ensuite est : « Qui est le connaisseur de ce
            mouvement ? » Cette question doit être laissée vivante, ouverte              Par contre, pour le corps, c’est beaucoup moins évident, car tant
            et non résolue intellectuellement, afin qu’elle puisse œuvrer, et            qu’on est vivant, il ne disparaît pas comme les pensées à chaque
            affirmer sa réponse, qui n’est rien de plus que le vécu originel             instant, il est toujours là avec nous. Comment contourner cette
            de ce que nous sommes, à chaque instant. Cette affirmation,                  difficulté d’identification tenace avec les corps ?




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