Page 163 - La pratique spirituelle
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Avec cette constatation, je décèle donc une identification. Mais   qui est révélation, ne peut être le fruit d’un effort, ou d’une
 on reste dans la dualité n’est-ce pas ?  compréhension horizontale, passé-futur. Elle jaillit, au
 Oui, l’habitude de s’identifier au perçu, qui maintient   moment opportun, tout comme la pomme et le pommier se
 une division entre le regard qui perçoit et l’objet perçu, qui   séparent au moment précis où ils se séparent.
 paraissent être différents, séparés, autonomes et indépendants.
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 Quand cela est bien assimilé et intégré dans le vécu, de sorte que
 la tentation d’identification est torpillée dès qu’elle se présente,   Pensées, émotions, sensations sont intermittentes. Vécues comme
 il semblerait que l’on puisse accéder à l’étape suivante, où il peut   réelles sur l’instant, puis irréelles l’instant d’après, car elles se
 être compris que le Sujet observant le bouchon, et le bouchon   sont évanouies. Quelque chose qui n’existe plus ne peut être
 lui-même sont une seule et même conscience.  considéré comme la réalité, car pensées, sensations, émotions
 Oui, la conscience-miroir est un avec le monde qui se réflé-  peuvent être démenties. Est-ce juste ?
 chit en elle.  Oui.


 Comme tu le dis souvent, alors il n’y a plus d’observateur, d’ob-  Si j’étais la pensée, à l’instant où elle s’éteint, je devrais moi
 servation et d’objet observé.  aussi m’éteindre.
 En effet, car la conscience-miroir et les objets réfléchis sont   Oui.
 indissociables. Ils sont une seule et même réalité.
            Or, que je sache, je continue d’exister, d’être, je suis toujours là.
               En effet.
 Ce doit être cela, l’unité ?
 Oui, la réalité est une. Ses expressions sont multiples, mais   Est-ce une preuve suffisante pour réaliser que je ne suis pas la pen-
 ne remettent jamais en cause l’unité de ce qu’elle est.
            sée, ni l’émotion, ni la sensation, pour que la conscience se révèle ?
            Ou bien y a-t-il d’autres obstacles à sa réalisation ? Dans mon
 Je parle d’étapes, car il semblerait que dans un premier temps   cas, c’est à peu près compris intellectuellement, mais sans réali-
 on ait besoin de bien constater ce phénomène d’identification,   sation stable. Peut-être encore une attraction pour le mental ?
 quitte à demeurer dans la dualité.  La conscience est déjà révélée. Ce n’est que l’identifica-
 Cette reconnaissance du mouvement d’identification est   tion au perçu qui fait oublier l’évidence de la conscience qui
 en effet nécessaire. Sans quoi, il s’autoperpétue, sans fin. La   perçoit.
 question qui vient ensuite est : « Qui est le connaisseur de ce
 mouvement ? » Cette question doit être laissée vivante, ouverte   Par contre, pour le corps, c’est beaucoup moins évident, car tant
 et non résolue intellectuellement, afin qu’elle puisse œuvrer, et   qu’on est vivant, il ne disparaît pas comme les pensées à chaque
 affirmer sa réponse, qui n’est rien de plus que le vécu originel   instant, il est toujours là avec nous. Comment contourner cette
 de ce que nous sommes, à chaque instant. Cette affirmation,   difficulté d’identification tenace avec les corps ?




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