Page 161 - La pratique spirituelle
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fascination tombe, ne reste que la lumière qui se réfléchissait   *
 en elle. Dans l’identité à la lumière sans projection, vous vous   *  *
 trouvez en tant qu’être, non objectivé et non objectivable.
            Quand on commence à observer, cette observation inclut un
            « je » qui observe, une pensée « j’observe » n’est-ce pas ? Si oui, est-
 Donc, si je comprends bien, les trois formulations que je vous ai   ce que cette pensée vient, d’une certaine manière, se confondre
 décrites précédemment sont alors toutes bien valables ?  avec l’observation authentique ?
 La troisième formulation semble induire une confusion
               Le « je » qui observe est un objet dans l’observation.
 entre le « je suis », substance pure de l’être, et l’état objectivé.   L’observation est non-objet. Elle est en dehors de toute objec-
 La première formulation relève du constat impersonnel. Elle   tivation. Ne peut être objectivé que ce qu’elle n’est pas. Ce
 a donc sa justesse. Il y a simple objectivation de l’état, sans   qu’elle est, est pure aperception.
 commentaire. La seconde induit une dissociation plus franche
 d’avec le personnage, qui est alors exposé sur la scène, le spec-  J’ai compris que l’observateur est en réalité constamment dans
 tateur restant assis dans son fauteuil.
            la pensée, n’étant lui-même qu’une pensée, et cette pensée essaie
            d’observer d’autres pensées, chose bien sûr impossible.
 Il peut y avoir, en effet, une confusion entre le « je suis » et l’état   Oui, l’observation est l’observateur. Tout est un.
 objectivé. Je vais observer celle qui me ramène davantage au
 Soi.       « L’observateur est l’observé » est cette sentence martelée par
 Observez le corps et le mental comme s’il s’agissait d’objets   Krishnamurti tout au long de ses causeries. Ce qui signifie que
 déposés sur une table devant vous. Vous aurez ainsi une meil-  l’observateur et la chose observée sont un.
 leure compréhension de ce que signifie la perspective imper-  Oui, l’objet est absolument indissociable du regard qui
 sonnelle. Agacement, impatience, sont des concepts mentaux,   le contient. L’observateur-objet est objectivé, tout comme la
 greffés sur des sensations. Laissez de côté les concepts, et met-  chose observée. Le regard est, en réalité, le véritable obser-
 tez-vous à l’écoute des sensations qu’ils cachent. Lorsque la   vateur, mais il n’est pas quelqu’un. Il ne peut jamais être
 sensation est écoutée, en tant que telle, et non récupérée par le   observé, étant ce qui observe. On pourrait parler de l’ultime
 mental conceptuel, un espace de dissolution est aussitôt créé.
            observateur.
 Peut-on appliquer ces formulations pour les états réactifs et   J’aimerais clarifier la différence entre identification et unité.
 pour les pensées ?  Pour l’identification, disons que je me sens parfois comme
 Oui. État réactif et pensée sont tous deux des objets   un bouchon de liège ballotté au milieu de l’océan, au gré des
 d’écoute. Il convient donc de les approcher de la même   marées, des vents et des vagues. Si le bouchon est vu, cela veut
 manière, à partir de la perspective naturelle de la plénitude   dire que je ne suis pas ce bouchon, car tout ce qui est perçu (les
 silencieuse, qui ne nomme, ni ne juge.
            objets) n’est pas ce qui perçoit (le Sujet).
               Oui.




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