Page 160 - La pratique spirituelle
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fascination tombe, ne reste que la lumière qui se réfléchissait                                        *
            en elle. Dans l’identité à la lumière sans projection, vous vous                                      *  *
            trouvez en tant qu’être, non objectivé et non objectivable.
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                                                                                         « je » qui observe, une pensée « j’observe » n’est-ce pas ? Si oui, est-
            Donc, si je comprends bien, les trois formulations que je vous ai            ce que cette pensée vient, d’une certaine manière, se confondre
            décrites précédemment sont alors toutes bien valables ?                      avec l’observation authentique ?
               La troisième formulation semble induire une confusion
                                                                                            Le « je » qui observe est un objet dans l’observation.
            entre le « je suis », substance pure de l’être, et l’état objectivé.         L’observation est non-objet. Elle est en dehors de toute objec-
            La première formulation relève du constat impersonnel. Elle                  tivation. Ne peut être objectivé que ce qu’elle n’est pas. Ce
            a donc sa justesse. Il y a simple objectivation de l’état, sans              qu’elle est, est pure aperception.
            commentaire. La seconde induit une dissociation plus franche
            d’avec le personnage, qui est alors exposé sur la scène, le spec-            J’ai compris que l’observateur est en réalité constamment dans
            tateur restant assis dans son fauteuil.
                                                                                         la pensée, n’étant lui-même qu’une pensée, et cette pensée essaie
                                                                                         d’observer d’autres pensées, chose bien sûr impossible.
            Il peut y avoir, en effet, une confusion entre le « je suis » et l’état         Oui, l’observation est l’observateur. Tout est un.
            objectivé. Je vais observer celle qui me ramène davantage au
            Soi.                                                                         « L’observateur est l’observé » est cette sentence martelée par
               Observez le corps et le mental comme s’il s’agissait d’objets             Krishnamurti tout au long de ses causeries. Ce qui signifie que
            déposés sur une table devant vous. Vous aurez ainsi une meil-                l’observateur et la chose observée sont un.
            leure compréhension de ce que signifie la perspective imper-                    Oui, l’objet est absolument indissociable du regard qui
            sonnelle. Agacement, impatience, sont des concepts mentaux,                  le contient. L’observateur-objet est objectivé, tout comme la
            greffés sur des sensations. Laissez de côté les concepts, et met-            chose observée. Le regard est, en réalité, le véritable obser-
            tez-vous à l’écoute des sensations qu’ils cachent. Lorsque la                vateur, mais il n’est pas quelqu’un. Il ne peut jamais être
            sensation est écoutée, en tant que telle, et non récupérée par le            observé, étant ce qui observe. On pourrait parler de l’ultime
            mental conceptuel, un espace de dissolution est aussitôt créé.
                                                                                         observateur.
            Peut-on appliquer ces formulations pour les états réactifs et                J’aimerais clarifier la différence entre identification et unité.
            pour les pensées ?                                                           Pour l’identification, disons que je me sens parfois comme
               Oui. État réactif et pensée sont tous deux des objets                     un bouchon de liège ballotté au milieu de l’océan, au gré des
            d’écoute. Il convient donc de les approcher de la même                       marées, des vents et des vagues. Si le bouchon est vu, cela veut
            manière, à partir de la perspective naturelle de la plénitude                dire que je ne suis pas ce bouchon, car tout ce qui est perçu (les
            silencieuse, qui ne nomme, ni ne juge.
                                                                                         objets) n’est pas ce qui perçoit (le Sujet).
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