Page 213 - La pratique spirituelle
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*          Mon activité professionnelle implique une activité intellectuelle
 *  *       très intense, qui peut devenir épuisante. Peut-on orienter son
            attention sur l’activité intellectuelle, tout en restant ancré dans
 Pendant les moments de silence, revenir à la conscience qui per-  l’arrière-plan ? Je crois que oui, mais ne trouve pas le chemin.
 çoit  suffit-il pour réaliser le Soi ?  C’est la non-attente d’un résultat qui amène fluidité dans
 Oui, à condition que votre être tout entier soit investi dans   l’action et détachement dans l’esprit. Le corps et le mental pro-
 une telle démarche, et non seulement une fraction.  longe alors l’attention, qui les imprègne et les nourrit. Il n’y a

 *          pas de méthode idéale. À force que l’attention revienne à elle-
 *  *       même, elle finit par ne plus se quitter.
 Il y a l’impression d’une possibilité d’entrer par soi-même dans   *
 des états aperceptifs. Étant issus d’une volonté, il ne s’agit assu-  *  *
 rément pas d’aperception pure. Ces états me paraissent rejoindre   Lorsqu’on est installé dans la conscience d’arrière-plan ou
 l’orientation que vous proposez à la fin de vos séances d’approches   « mindfulness », on ressent une paix, une joie, une liberté,
 corporelles, en disant « soyez écoute ». Mais le fait d’y entrer   une gratitude, qui font que le corps-mental lui-même en jouit.
 par un mouvement, n’est-ce pas le signe d’un certain artifice ?  Sachant cela, on a tendance par la suite à rechercher comme un
 Tout ce qui est objectivable n’est pas la réalité de ce que   trésor cette expérience, et fuir comme la peste cet état où l’on est
 vous êtes. L’aperception est unité immédiate, instantanée, avec   totalement identifié au mental. C’est comme si le mental voulait
 la réalité non objective. Elle ne peut être suscitée par la voli-  se fuir lui-même.
 tion, mais seulement par l’abandon.  Les mouvements de fuite et d’attraction concernent les pro-
            jections mentales phénoménales. Ils ne concernent nullement
 Les « soyez écoute », « soyez un », ne sont donc pas enten-  la réalité de ce que vous êtes, qui est libre du mouvement et du
 dus de façon juste. Pourriez-vous donner sur cela quelques   devenir.
 explications ?
 Dans « être écoute », le « je » et l’écoute sont une seule   Peut-on s’appuyer sur ces moments de grâce, ou leur souvenir,
 et même réalité. Aucune distance, aussi ténue soit-elle, ne les   pour calmer le mental ? Comme un rappel de la vérité, de la
 sépare. Dans « être un », c’est un rappel de l’unité profonde   perspective juste.
 de votre être, par-delà le corps et le mental. Ces formulations   Oui, si vous avez la capacité de rester avec ce vécu propre à
 agissent comme un mantra. Si l’esprit est recueilli, attentif,   la grâce, sans lui surimposer aucune autre cause que lui-même.
 silencieux, l’injonction suscite en lui un écho de la réalité, qui
 le ramène à sa plus simple substance.  *
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