Page 290 - La pratique spirituelle

Cette respiration, qui devient le respir lui-même, est-elle à pla- mentales qu’elle traverse. La structure mentale est elle-même
cer au même niveau que ces actes simples accomplis par le corps
sans intervention mentale ?
Lorsque la respiration est habitée par la conscience, elle
acquiert une qualité inconnue de la respiration automatique
inconsciente. C’est la même différence qui existe entre un
mouvement automatique, et le même mouvement, habité. La
conscience donne à l’action une densité et une qualité incon-
nues de l’automatisme.
Aussi, pour reprendre l’exemple d’un chant pour un bébé, avant
que celui-ci ne se produise, il y a ma décision qui est : « Ok, je
vais chanter. »
Il n’y a pas eu de choix. Cette décision s’est imposée à vous.
Vous n’en avez été que le témoin.
Pourquoi, dans un cas théorique de maltraitance où le parent
viendrait secouer son nourrisson afin qu’il se taise, la Vie ne
serait-elle pas libre de s’exprimer par un acte d’amour plutôt
que par un acte de cruauté ?
Cela dépend de la manière dont le mental est formaté. La
colère est réaction. L’amour est présence. La première trouve
sa source dans le moi souffrant. Le second, dans la conscience
unitive.
Il y a ma culture et mon bagage psychique qui me permettent,
ou non, de répondre à une situation et d’y découvrir après coup
le caractère impersonnel de ce chant entonné dans la nuit. Si je
réponds plutôt par un acte cruel, qu’en est-il du personnel et de
l’impersonnel ?
Le même souffle s’exprime sous des formes différentes,
selon l’instrument qu’il traverse. La même conscience s’ex-
prime aussi sous des formes différentes, selon les structures
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impersonnelle. Elle n’est qu’un amas de conditionnements.
L’Être peut-il s’éveiller alors même que son personnage s’adonne
au meurtre ?
Seulement s’il y a réalisation de l’origine de l’acte, et qu’une
vision élargie transforme l’impulsion meurtrière en lucidité.
Le geste est brisé dans son élan. C’est ce qu’on appelle la
rédemption, qui peut parfois saisir un être en un instant. La
perspective égotique est alors bouleversée et transmutée sous
l’impulsion de la conscience.
Le bien et le mal existent-ils ?
On peut voir le mal comme l’ombre du bien, une coupure
d’avec la globalité de l’être, qui engendre souffrance et soli-
tude. Le mal est alors réaction. Le bien est la nature de l’être.
Il n’a pas d’opposé. L’obscurité n’est pas l’opposé de la lumière.
Elle signe simplement son absence. L’ampoule placée dans une
lampe à l’abat-jour opaque, bien qu’elle soit allumée, ne peut
exprimer sa lumière. Cela ne l’empêche pas d’être. Ce n’est
que son rayonnement qui est affecté par l’épaisseur du voile.
On pourrait dire plutôt le bien et l’inconscience du bien ?
Oui, ce serait plus juste ainsi.
J’essaie à tout instant de voir si le « je » est indispensable à mes
actions. Je réalise que dire non est imprécis, car, en fait, il y a
toutes sortes d’actions dans mon quotidien qui visent unique-
ment ce « je ».
Voir les actions asservies par la demande du moi, c’est déjà
en sortir. Car il vous faut être en dehors du moi pour pouvoir
le contempler.
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