Page 291 - La pratique spirituelle
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Cette respiration, qui devient le respir lui-même, est-elle à pla-  mentales qu’elle traverse. La structure mentale est elle-même
 cer au même niveau que ces actes simples accomplis par le corps   impersonnelle. Elle n’est qu’un amas de conditionnements.
 sans intervention mentale ?
 Lorsque la respiration est habitée par la conscience, elle   L’Être peut-il s’éveiller alors même que son personnage s’adonne
 acquiert une qualité inconnue de la respiration automatique   au meurtre ?
 inconsciente. C’est la même différence qui existe entre un   Seulement s’il y a réalisation de l’origine de l’acte, et qu’une
 mouvement automatique, et le même mouvement, habité. La   vision élargie transforme l’impulsion meurtrière en lucidité.
 conscience donne à l’action une densité et une qualité incon-  Le geste est brisé dans son élan. C’est ce qu’on appelle la
 nues de l’automatisme.  rédemption, qui peut parfois saisir un être en un instant. La
            perspective égotique est alors bouleversée et transmutée sous
 Aussi, pour reprendre l’exemple d’un chant pour un bébé, avant   l’impulsion de la conscience.
 que celui-ci ne se produise, il y a ma décision qui est : « Ok, je
 vais chanter. »  Le bien et le mal existent-ils ?
 Il n’y a pas eu de choix. Cette décision s’est imposée à vous.   On peut voir le mal comme l’ombre du bien, une coupure
 Vous n’en avez été que le témoin.  d’avec la globalité de l’être, qui engendre souffrance et soli-
            tude. Le mal est alors réaction. Le bien est la nature de l’être.
 Pourquoi, dans un cas théorique de maltraitance où le parent   Il n’a pas d’opposé. L’obscurité n’est pas l’opposé de la lumière.
 viendrait secouer son nourrisson afin qu’il se taise, la Vie ne   Elle signe simplement son absence. L’ampoule placée dans une
 serait-elle pas libre de s’exprimer par un acte d’amour plutôt   lampe à l’abat-jour opaque, bien qu’elle soit allumée, ne peut
 que par un acte de cruauté ?  exprimer sa lumière. Cela ne l’empêche pas d’être. Ce n’est
 Cela dépend de la manière dont le mental est formaté. La   que son rayonnement qui est affecté par l’épaisseur du voile.
 colère est réaction. L’amour est présence. La première trouve
 sa source dans le moi souffrant. Le second, dans la conscience   On pourrait dire plutôt le bien et l’inconscience du bien ?
 unitive.      Oui, ce serait plus juste ainsi.
            J’essaie à tout instant de voir si le « je » est indispensable à mes
 Il y a ma culture et mon bagage psychique qui me permettent,
 ou non, de répondre à une situation et d’y découvrir après coup   actions. Je réalise que dire non est imprécis, car, en fait, il y a
 le caractère impersonnel de ce chant entonné dans la nuit. Si je   toutes sortes d’actions dans mon quotidien qui visent unique-
 réponds plutôt par un acte cruel, qu’en est-il du personnel et de   ment ce « je ».
 l’impersonnel ?  Voir les actions asservies par la demande du moi, c’est déjà
 Le même souffle s’exprime sous des formes différentes,   en sortir. Car il vous faut être en dehors du moi pour pouvoir
 selon l’instrument qu’il traverse. La même conscience s’ex-  le contempler.
 prime aussi sous des formes différentes, selon les structures




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