Page 24 - Desastre Toxicomanie
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Le désastre des toxicomanies en France                                                                                       Drogues, toxicomanies, addictions



                 un pléonasme, puisque dans le mot drogue français est justement
                 inscrite la notion d’abus. Les anglais parlent aussi de « addictive
                 drug », c’est-à-dire  d’agents  pharmacologiques  générateurs
                 d’addiction.
                   Le  terme  addiction  fait  florès,  semblant  paré  d’une  origine
                 anglo-saxonne, très « fashionable ». Il est en fait issu du latin.
                 Dans la société romaine était addictus celui qui s’était endetté à un
                 très haut niveau au point que devenu incapable de rembourser son
                 débiteur, il en devenait l’esclave ; il lui était assujetti. Ce terme
                 addiction tend actuellement à se substituer à ceux de toxicomanie,
                 de pharmacodépendance,  d’assuétude. Le mot toxicomanie
                 dérange, comme si certains voulaient faire oublier la connotation
                 péjorative qui lui est associée. Si le toxicomane doit être respecté,
                 non « stigmatisé » (expression très galvaudée), la toxicomanie doit
                 être fustigée, présentée sur un mode répulsif. Des psychiatres, dans
                 ce concours de pusillanimité, en viennent à désigner les drogues
                 par les expressions « toxiques », « substances toxiques », voire, au
                 plus court, « substances », comme si le mot drogue les effrayait.
                 « L’effroi est chaud » si j’ose dire, chez ces addictologues, qui
                 répugnent à désigner la drogue comme  l’ennemi  à combattre
                 (et bien sûr pas le drogué). Cela,  pourtant,  leur donnerait  la
                 force nécessaire pour en soustraire ceux qui en sont devenus les
                 victimes. Leur effroi se retrouve quand ils parlent de « substances
                 psychoactives », qui ne sauraient être, stricto sensu, synonyme
                 de drogues. Certes les drogues sont psychoactives, puisqu’elles
                 modifient le fonctionnement psychique, mais la grande majorité
                 des substances psychotropes ou psychoactives  ne sont pas des
                 drogues. Notre époque ne veut plus appeler un chat un chat (il ne
                 s’agit pas des CHA, ces centres d’hygiène alimentaire, conçus en
                 fait pour l’accueil des patients alcooliques, avec une discrétion de
                 bon aloi). La peur des mots cache la peur de ce qu’ils désignent ;
                 l’autruche sémantique enfouit sa tête dans le sable. Il y a dans la
                 force du mot une dimension pédagogique, que cherche à éliminer
                 le relativisme ambiant.
                   Il est important, spécialement pour nos jeunes, de rompre la
                 confusion entretenue entre médicament et drogue, pour ne plus
                 entendre dire : « je vais chercher mes drogues chez le pharmacien » ;


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