Page 27 - Desastre Toxicomanie
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Le désastre des toxicomanies en France               Drogues, toxicomanies, addictions



                   banquets » (parfois prolongé par celui des banquettes). Revisitons
                   sa constitution à l’aune de la neurobiologie.
                      La neurobiologie  du plaisir, qu’on va esquisser, donne
                   l’explication a posteriori de chacun des éléments précédents.
                      L’expérience  princeps/séminale  à  cet  égard,  date  de  plus
                   d’un demi-siècle.  James  Olds et  Peter  Milner, deux chercheurs
                   canadiens,  de l’université McGill, implantaient  un couple
                   d’électrodes dans le cerveau de rats, puis donnaient à ces rats la
                   latitude, en appuyant sur une pédale, de fermer un circuit électrique
                   pour  activer  électriquement  les  axones/câbles  neuronaux  au
                   contact de ces électrodes. Pour des localisations bien précises de
                   ces électrodes, l’animal appuyait de multiples fois sur la pédale
                   (des milliers de fois par heure). Ce faisant, il dédaignait la boisson
                   qu’on lui présentait alors qu’il avait soif, il dédaignait la nourriture
                   même  s’il avait  faim,  et même,  il se désintéressait de la jolie
                   ratte « sexuellement disponible » (en œstrus, en hyperlordose ou
                   « position de disponibilité »), qui était introduite dans sa cage. Il
                   appuyait sur la pédale jusqu’à l’épuisement. C’était le plaisir à en
                   mourir ! L’overdose ! Ce que ressentait alors l’animal devait être
                   extraordinaire pour que ses appuis sur la pédale prévalent sur sa
                   faim, sur sa soif, sur l’attirance sexuelle, pour qu’il consacre à
                   ces appuis son attention exclusive et toutes ses forces. Arrêtant
                   d’appuyer sur la pédale, il devait éprouver (imaginé d’une façon
                   toute anthropocentrique) le vide, le désagrément, l’incomplétude,
                   la frustration, le déplaisir, une dépression majeure de l’humeur.
                   Ce vide abyssal devait  lui paraître  d’autant  plus insupportable
                   qu’il venait de chevaucher sur les cimes du plaisir. Il était comme
                   condamné à y regrimper au plus vite et, pour ce faire, à appuyer
                   compulsivement sur la pédale.
                      Ces appuis forcenés ne survenaient que lorsque les électrodes
                   étaient disposées, d’un rat à l’autre, selon un trajet précis. Pour
                   susciter le plaisir, ce ne sont pas n’importe  quels neurones
                   cérébraux qu’il faut stimuler mais, précisément, certains d’entre
                   eux.  Il  fut  bientôt  montré  que  les  neurones  impliqués  dans  ce
                   phénomène prenaient naissance dans une région postérieure du
                   cerveau (le mésencéphale ; plus précisément l’aire du tegmentum
                   ventral = aire de Tsaï) et qu’ils projetaient leurs terminaisons sur


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