Page 331 - Traité de chimie thérapeutique 6 Médicaments antitumoraux
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12 AMIFOSTINE : RADIO- ET CHIMIOPROTECTION             287

             7.   MODE D'ACTION
             Les mécanismes permettant d'expliquer l'effet cytoprotecteur de l'amifostine sont com-
             plexes et non parfaitement élucidés pour certains d'entre eux. La grande variabilité inter-
             individuelle des réponses à l'amifostine explique les résultats parfois contradictoires.
             7.1.  PROPRIÉTÉS ANTIOXYDANTES ET ANTIRADICALAIRES
             Le groupement SH de WR-1065 réagit avec les radicaux et les espèces électrophiles
             cytotoxiques : il en résulte une épargne des réserves des thiols physiologiques impliqués
             dans la détoxification (glutathion). Dans le cas du radical HO", l'effet protecteur résulte
             du piégeage de cette espèce radicalaire par le soufre :



               Le radical thiyle R-S • se dimérise très rapidement en disulfure:
                                                  HN_oN- a
                   2                                              1
                                                  +,N+- s

             7.2.  INTERACTIONS DIRECTES AVEC L'ADN
             La présence simultanée de deux groupements aminés confère à WR-1065 des propriétés
             électroniques particulières dues à la protonation de ces fonctions au pH physiologique.
             Il apparaît une espèce dicationique donnant des interactions de type électrostatique avec
             les biomolécules chargées négativement, notamment l'ADN.
               • Effets protecteurs de !'ADN
               Les paires d'ions formées interdisent l'approche de composés électrophiles suscep-
             tibles d'endommager l'ADN des cellules saines, comme les complexes du platine et
             divers agents alkylants (cyclophosphamide par exemple).
               Les disulfures issus du métabolisme de WR-1065, longtemps considérés comme
             inactifs, se comportent aussi comme des protecteurs d'ADN, caractérisés dans ce cas
             par des formes tétracationiques. Il a été mis en évidence une parfaite complémentarité
             entre WR 33278 (cf. figure 2) et le petit sillon de !'ADN.
               • Action antitumorale
               Des cellules tumorales traitées par de faibles concentrations d'amifostine montrent
             une activation du facteur NF-xB, comme indiqué dans le schéma 2.
               Les interactions électrostatiques entre les formes polycationiques dérivées de l'ami-
             fostine et les sites anioniques de !'ADN induiraient une modification conformationnelle
             de la chromatine, facilitant ainsi la fixation spécifique de NF-KB sur certains éléments de
             réponse (NRE), avec pour conséquence l'expression d'un nombre très limité de gènes,
             dont:
             - la surexpression de la manganèse superoxyde dismutase (MnSOD) : cette enzyme
               possède d'une part une action antioxydante cytoprotectrice et, d'autre part, aurait un
               effet antiprolifératif et antimétastatique ;
             - la diminution de l'expression de l'oncogène c-myc, expliquant l'effet suppresseur de
               tumeur.
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