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L’hOMME AUgMENTÉ… hOMME ALIÉNÉ ?
                  direction, il sera un homme déséquilibré, brisé dans sa proportion.
                  L’augmentation s’accompagnera alors d’une déformation, au sens
                  mathématique du terme : en tirant sur la forme humaine, on en fera
                  quelque chose d’autre. Il faut craindre l’augmentation qui n’est pas
                  une homothétie, c’est la leçon que nous devons tirer des brillants
                  inhumains du siècle passé. L’augmentation idéale, et raisonnable,
                  c’est celle qui élargira toute la sphère de l’expression humaine, en
                  lui conservant sa proportion sacrée.

                                        Les neurosciences
                                           du « plan B »

                  La nature a ceci de particulier qu’elle ne regrette pas le passé et ne craint
                  pas le futur. Elle fait le maximum avec ce qu’elle a et persévère indéfi‑
                  niment, sans jamais s’apitoyer sur son sort. Un chien qui a perdu une
                  patte ne regrette pas sa patte manquante, il se place instantanément dans
                  la posture lui permettant de marcher à trois pattes. Dans une certaine
                  mesure, il en va de même de nos nerfs, dont la plasticité est sûrement
                  la plus grande du corps humain. Lorsqu’à la naissance d’un enfant, ou
                  des suites d’un accident, la voie normale de production d’un comporte‑
                  ment ou d’une intelligence est amputée, notre cerveau a la capacité à se
                  construire un plan B pour produire le même résultat avec des fonctions
                  différentes, exactement comme dans le cas d’une déviation autoroutière.
                  Une équipe chinoise a rapporté en 2014 le cas d’une jeune femme née
                  sans cervelet, et pourtant capable de marcher et de parler (avec des défauts
                  minimes), qui consulta initialement pour des vertiges et des nausées . Un
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                  enfant atteint d’hydranencéphalie, Trevor Judge Waltrip, naquit à la Noël
                  2001 le crâne rempli de liquide cérébrospinal, sans aucun cortex cérébral
                  ni cervelet, et doté seulement d’un tronc cérébral sain. Il vécut presque
                  miraculeusement pendant douze années, alors qu’aucun médecin n’aurait
                  parié sur sa survie à la naissance, respirant, absorbant sa nourriture et
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                  répondant aux chatouilles de sa mère et de ses soigneurs .
                  Un jeune patient connu des neuroscientifiques comme « EB » fut amputé,
                  après ses deux ans, de tout l’hémisphère gauche de son cerveau. Il s’agis‑
                  sait d’en extraire une énorme tumeur non proliférante. Comme pour
                  95 % des droitiers, les corrélats neuronaux de ses capacités de langage
                  avaient commencé à se latéraliser à gauche et il sembla d’abord perdre

                    1.  Yu, F., Jiang, Q., Sun, X. et Zhang, R., « A new case of complete primary cerebellar
                  agenesis : clinical and imaging findings in a living patient », Brain/awu (2014), 239.
                    2.  Madden, N., « Keithville boy born without brain dies at 12 », KSLA News, 2014.

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