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6.
L’Homme augmenté… homme aliéné ?
Augmentation, déformation et proportions…
L’esprit de Vitruve
La beauté est dans les proportions. Ce constat, au cœur de la notion
picturale de perspective, est l’une des grandes redécouvertes de notre
période humaniste. Si le corps humain peut être idéalisé, comme c’est
le cas dans l’étude de Léonard de Vinci pour L’Homme de Vitruve,
pourquoi ne pas rêver d’un « esprit de Vitruve », une vie mentale aux
proportions idéales ? Tous les humains ne devraient pas forcément
rentrer dans cet idéal de vie mentale, car la proportion sacrée de
1
l’Humanité tout entière, c’est justement son polymorphisme .
L’Homme de Vitruve est nu, c’est même sa caractéristique prin‑
cipale. Il n’est pas habillé, il ne monte pas à cheval, il ne tient pas
d’outil. Ce constat est essentiel : le corps idéal de la Renaissance, tel que
le présente Léonard, n’est pas « augmenté ». Or toute augmentation
répondant à un usage, une fonction, un but, fait de l’humain un outil
et brise donc ses proportions. C’est pour cela que nous ne dormons
pas avec nos outils, et que même les soldats, qui doivent apprendre à
dormir avec leur fusil et faire de leur arme une partie de leur corps,
doivent se défaire de cette habitude quand ils reviennent à leur famille.
Puisque nulle extension de notre corps (sauf médicale) n’est
censée nous suivre partout, il en sera de même des extensions de
1. Par exemple, une jeune fille de sept ans, née sans mains, peut gagner un concours
d’écriture. Boult, A., « Seven‑ year‑ old girl born without hands wins handwriting
competition », The Telegraph, 2016.
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