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MARKETINg, POLITIQUE ET JOURNALISME
                  c’était de la nourriture ou une opportunité de reproduction, au
                  mieux. Une mauvaise nouvelle, c’était la mort. La pression sélective
                  étant asymétrique entre bonne et mauvaise nouvelle pour notre
                  cerveau, il a appris à donner beaucoup plus de poids à l’informa‑
                  tion relative au danger qu’à celle relative au plaisir : Thanatos est
                  supérieur à Éros, qui est supérieur à toute émotion (on ne parle
                  pas des trains qui arrivent à l’heure).
                    En matière d’information, le biais d’échantillonnage peut se
                  résumer à cette phrase : il est plus facile de faire la couverture en
                  mal qu’en bien et un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une
                  forêt qui pousse. Prenons le cas de l’immigration. Il est bien plus
                  difficile pour un immigré de faire parler de lui en bien qu’en mal.
                  Personne ne voudrait rapporter le cas d’un immigré honnête, inté‑
                  gré, normal. Pour qu’on parle de lui, il faudrait que l’immigré ait
                  accompli quelque chose d’« exceptionnellement bien » (ce qui sera
                  toujours moins frappant que le « simplement mal »). Du coup,
                  les faits qui percent le seuil de l’anonymat dans les médias sont
                  plus probablement des faits négatifs, auxquels notre cerveau donne
                  naturellement plus de poids.
                    À travers la partialité du rapport médiatique d’une part, et la
                  partialité de notre réaction aux nouvelles d’autre part, la structure
                  de la réalité est déformée, et même disproportionnée. Notre vie
                  mentale ne respecte pas les proportions du monde, elle les distend
                  d’une façon dont nous n’avons absolument pas conscience.
                    Celui qui construit un débat sur ses souvenirs – et c’est ce que
                  font le politicien en campagne, le polémiste, l’électeur… – construit
                  sa maison sur quatre couches instables superposées :

                    Biais 1 : Nous donnons plus d’attention à ce qui confirme nos
                    croyances qu’à ce qui les infirme. C’est le biais de confirmation.

                    Biais 2 : Notre mémoire n’est pas fiable. C’est le biais de mémo‑
                    risation.

                    Biais  3  : Les médias parlent davantage du mal que du bien
                    parce que le mal fascine et sidère davantage que le bien. Il
                    est infiniment plus facile de faire la couverture en mal qu’en
                    bien. C’est le biais d’échantillonnage (sampling).



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