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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
De la politique et du journalisme
Les quatre biais de l’information
Notre conscience au travail a des limites, des points aveugles,
assez peu de degrés de liberté et de nombreux biais dans sa per‑
ception de l’information et dans sa capacité à juger, particulière‑
ment en matière de gouvernance collective. Chaque fois que vous
considérez une situation politique, qu’il s’agisse de l’immigration,
du chômage, de la politique étrangère ou économique, gardez à
l’esprit que vous convoquez un espace de travail mental qui est au
moins quatre fois biaisé.
Premier biais : ce que nous appelons « fait », dans une conver‑
sation courante, est intrinsèquement un souvenir. Or nous avons
tendance à nous souvenir d’abord de ce qui renforce nos croyances.
Notre cerveau va donc naturellement peupler sa vie mentale de
choses qui nous confortent plutôt qu’elles ne nous déstabilisent.
Le « fait », dans notre esprit, c’est déjà de la réalité déformée.
Le cerveau aime voir se confirmer ses croyances. Lorsqu’il projette
une idée sur le monde et qu’elle est adoubée, il se crée en lui une
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puissante vague de récompense dopaminergique . On comprend
alors comment la confirmation de nos croyances peut devenir un
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vice addictif. Notre cerveau est partial et par des stigmergies dont
la profondeur et la régularité sont à la mesure de l’intensité du
plaisir que nous recevons, il nous encourage à former des mémoires
partiales en faveur de ce qui nous conforte, et à oublier ou rejeter
ce qui nous déstabilise.
Deuxième biais : nos souvenirs, en plus d’être partiaux, sont
peu fiables en soi.
Troisième biais : ce dont nous alimentons notre vie mentale a
déjà été sélectionné partialement et partiellement par les médias.
Quatrième biais, enfin : application directe du life- dinner prin-
ciple, une mauvaise nouvelle est plus marquante pour notre cerveau
qu’une bonne. Et à l’ère glaciaire, en effet, une bonne nouvelle,
1. La dopamine est le neurotransmetteur dont la libération est associée à la prise
de cocaïne ou à la prise alimentaire. Elle participe également au cocktail complexe de
l’orgasme.
2. Cf. p. 102.
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