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MON hISTOIRE
la forme de sa prison. J’ai appris plus tard que l’expression était de
D. H. Lawrence, un auteur inspiré par le soufisme .
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J’étais fasciné par la stratégie, la géopolitique, et cette formation m’a
beaucoup plu ; j’ai même hésité à faire de la chose militaire ma carrière.
Mais le monde de la recherche m’inspirait encore, car, comme me
l’avait si bien dit Cédric Saule, un frère‑ en‑ précarité, dans la recherche,
on marche sur la Lune tous les jours ! On veut poser l’esprit là où
personne ne l’a posé avant, et tout le reste n’est que littérature.
Mon premier doctorat portait sur la géopolitique de la connais‑
sance, la « Noopolitik », son impact sur l’aire géographique de la
Route de la Soie et l’irénologie (la science de la paix). Les travaux
de Varela l’ont beaucoup inspiré, en particulier dans l’idée que les
conflits sont des virus de l’humanité, et qu’il y a, selon les termes du
psychologue William James, un « équivalent moral de la guerre ».
Mon deuxième doctorat, à l’université de Strasbourg, traitait de la
présence soufie dans la littérature occidentale, en particulier entre
T. S. Eliot et l’explorateur soufi Richard Francis Burton.
Dans cette Ballade de la conscience entre Orient et Occident, j’ai
utilisé un concept essentiel des neurosciences, celui de « connec‑
tome » – ou l’ensemble de nos connexions nerveuses. J’ai proposé
l’idée d’un « connectome des littératures », en postulant que les
littératures d’Orient seraient, métaphoriquement, notre hémisphère
droit, et celles d’Occident notre hémisphère gauche. J’ai voulu, du
coup, m’intéresser à leur corps calleux, ce faisceau de fibres qui
connecte principalement les deux hémisphères. Quand le mélange
fortuit de connaissances différentes produit une découverte – forcé‑
ment inattendue –, nous appelons cela de la sérendipité. Elle est une
conséquence de l’interdisciplinarité. Comme l’a dit un chercheur,
« les collections sont pour la collision » : à quoi bon, en effet,
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assembler des collections de savoirs si ce n’est pour les secouer ?
Alain Peyreffite a d’ailleurs écrit que l’un des « maux français »,
c’était le manque de sérendipité.
J’ai trouvé que secouer les neurosciences et la littérature était fas‑
cinant, mais c’est parce que les neurosciences, en fait, sont partout.
1. Frykman, E. et Zangenehpour, F., « Sufism and the Quest for Spiritual Fulfillment
in D. H. Lawrence’s The Rainbow », Acta Universitatis Gothoburgensis, 2000.
2. Bell, S. J., « Collections are for collisions : Let us design it into the experience »,
2013.
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