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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
qui n’est pas forcément contrôlée et nous invite à l’observation de
notre propre vie mentale, de notre propre subjectivité.
La science est profondément incomplète et les neurosciences
modernes ne font pas exception, qui n’en sont qu’à leurs balbu‑
tiements. Elles ne comprennent pas encore pourquoi ni comment
fonctionne quelque chose d’aussi simple que le sommeil, par
exemple. Comment comprendraient‑ elles le cerveau en état de
veille ? Quoiqu’elles découvrent, quelles que soient leurs avancées,
ce ne sera jamais suffisant pour ignorer la sagesse la plus élémen‑
taire : « Je sais que je ne sais rien. »
Le doctorant aliéné
J’ai mené en tout trois thèses dans trois universités différentes et
nulle part je n’ai assisté à de telles castrations mentales que dans la
condition de doctorant. Que ce soit en Chine, aux États‑ Unis, en
France, en Italie, au Royaume‑ Uni ou dans divers pays d’Afrique,
je n’ai jamais rencontré de doctorants épanouis, et j’ai acquis la
conviction que le doctorat, aujourd’hui, n’est pas l’aboutissement
d’une passion et d’une vocation, mais d’un vaste bizutage par lequel
les académiques établis et conformes maintiennent les émergents
sous leur contrôle. Aujourd’hui, tous pays confondus, le mal‑ être
des doctorants est tel qu’un neuroergonome de Stanford, Jorge
Cham, l’a exorcisé en une bande dessinée, Ph. D. Comics.
Or, il n’y a pas d’indicateur plus clair d’une situation inergono‑
mique que le mal‑ être. Bien sûr, il y a des postures mentales qui,
sans nous rendre malheureux, limitent nos performances, notre
créativité, notre mémoire, notre flexibilité ou notre originalité, mais
celles qui nous plongent dans la tristesse sont directement inergo‑
nomiques. Si autant de doctorants sont malheureux, c’est que leur
cerveau en est tordu : mais pourquoi ?
C’est que le jeune chercheur arrive dans la grande broyeuse aca‑
démique avec beaucoup plus que de la science : des aspirations,
des rêves, des espoirs, des ambitions, des modèles humains, de la
créativité et, au fond, une pensée bien plus libre que celle qui sortira
de ses travaux. Bien trop souvent, on lui demande de se débarrasser
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