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SEPT ExERCICES DE gyMnoéTique, LA gyMNASTIQUE DE L’ESPRIT
                  impacts de la méditation sur notre esprit . Sans entrer dans ce
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                  niveau de détail, une bonne pratique de gymnoétique nous permet
                  de voir notre esprit au travail, d’observer ses biais, ses limites, ses
                  automatismes, ses réactions conditionnées, afin de reconnaître sa
                  subjectivité, et l’illusion constante qu’il a d’être objectif.
                    Pratiquer la subjectivité limpide, c’est savoir laver et mettre à nu
                  son esprit. Notre hygiène mentale, en effet, est très mauvaise. Nous
                  n’avons pas conscience des névroses, des frustrations, des rancœurs,
                  des schémas et des automatismes qui nous animent. Ces impu‑
                  retés mentales salissent notre psyché comme la sueur et la crasse
                  salissent notre corps. Elles confinent notre vie, notre appréciation
                  du réel, et en particulier notre jugement, de nous‑ mêmes ou des
                  autres. Nous savons qu’il est sain de nettoyer régulièrement notre
                  corps, mais pour l’instant, nous ne nettoyons pas notre vie mentale
                  avec la même assiduité. Combien d’humains pensent, apprennent,
                  agissent et vivent avec une crasse mentale chronique, sans en être
                  conscients, parce que cette crasse n’a d’odeur que pour l’homme
                  averti ? Peut‑ être que tous les maux de l’humanité pourraient être
                  résolus par l’hygiène mentale, par une simple « douche nerveuse »,
                  car les névroses des individus peuvent se concentrer en névroses
                  d’État (les nationalismes étant de cette pathologie les exemples les
                  plus meurtriers). À une échelle plus réduite, mais plus insidieuse,
                  la pollution nerveuse des grandes villes est aussi la source d’une
                  crasse mentale très répandue : les bruits de moteur, les lumières
                  invasives, les encombrements salissent chroniquement notre psy‑
                  ché. Mais si nous sommes capables de nous doucher avant d’aller
                  dormir, douchons‑ nous notre mental ?
                    Certaines formes de crasse mentale sont encouragées et récom‑
                  pensées par les États, les autorités, les institutions ou les pairs. Les

                    1.  Allen, M., Dietz, M., Blair, K.  S., van Beek, M., Rees, G., Vestergaard‑ Poulsen,
                  P., Lutz, A. et Roepstorff, A., « Cognitive‑ affective neural plasticity following
                  active‑ controlled mindfulness intervention »,  The Journal of Neuroscience  (2012), 32,
                  15601‑15610 ; Davidson, R. J. et Lutz, A., « Buddha’s brain : Neuroplasticity and medi‑
                  tation », IEEE Signal Processing Magazine (2005), 176 ; Lutz, A., Slagter, H. A., Dunne,
                  J. D. et Davidson, R. J., « Attention regulation and monitoring in meditation », Trends
                  in Cognitive Sciences,  12,  163‑169 ;  Ricard,  M.,  Lutz,  A.  et  Davidson,  R.  J., « Mind  of
                  the meditator », Scientific American (2014), 311, 38‑45 ; Rosenkranz, M. A., Davidson,
                  R.  J., MacCoon, D.  G., Sheridan, J.  F., Kalin, N.  H. et Lutz, A., « A comparison of
                  mindfulness‑ based stress reduction and an active control in modulation of neurogenic
                  inflammation », Brain, Behavior and Immunity, 27, 174‑184.

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