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LIBÉREZ VOTRE CERVEAU !
de ces électrodes ont pu voir une partie de leur pensée convertie en
mots. En général, taper un texte sur un clavier QWERTY permet
d’atteindre autour de quatre‑ vingts mots par minute, cent pour
les plus braves. Le langage parlé produit habituellement autour de
cent cinquante mots par minute. Pourrait‑ on aller au‑ delà de ce
chiffre et projeter des mots sans avoir besoin de les articuler ? Ou
même projeter devant nous des concepts, des noèmes, des images
mentales non verbales, afin de les partager avec autrui ?
Autrefois, l’homme alphabétisé n’écrivait que peu de phrases dans
sa vie, aujourd’hui, il en écrit bien davantage, et demain, peut‑ être
que l’on pourra écrire ou comprendre un livre entier par jour, tous
les jours. Cette prouesse nous semble probablement aussi étrange
que la seule possibilité de lire un texte sans en prononcer les mots
pouvait le paraître aux anciens. Pourtant, les interfaces futures
pourraient bien nous aider à jeter des mots et des idées devant
nous plus vite, plus efficacement, en plus grande quantité et en
meilleure qualité. Cela devrait intéresser aussi bien les lecteurs que
les éditeurs, dont le métier relève de la chaîne de valeur du texte,
qui inclut en amont la pensée et en aval sa manifestation écrite.
La neuronique pourrait permettre non seulement de comprimer la
chaîne de production d’un livre, mais aussi sa chaîne de consomma‑
tion et de digestion. Grâce à elle, on donnerait du levier à l’écriture
aussi bien qu’à la lecture ; avec de la neuronique évolutionnaire, on
étendrait l’espace mental pratique de l’auteur au travail, ainsi que
celui du lecteur, pour corréler ses lectures ou lui en recommander
de nouvelles... On transformerait l’ergonomie de l’écriture et celle de
la lecture, créant une valeur gigantesque, et favorisant l’émergence
d’une nouvelle révolution intellectuo‑ industrielle.
Car il existe des milliers de manières d’augmenter ce qu’un
homme peut faire, ce qu’il peut apprendre ou même penser en
vingt‑ quatre heures, et ces techniques seront à l’avenir créatrices
d’emplois, dans une proportion qui échappe totalement à notre
morosité actuelle . La neuronique pourrait être le plus grand et le
1
plus vaste des créateurs d’emplois, et c’est encore une raison de ne
pas la laisser aux militaires.
1. Tout comme elle échappe à l’étroitesse d’esprit de la majorité de nos gouvernants,
dont l’empan prospectif et stratégique n’excède pas les vingt‑ quatre mois.
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