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NEURONAISSANCE
                  fins d’efficacité. Il ne resterait aux agences de renseignement qu’à
                  s’emparer illégalement de ces informations, comme elles le font
                  déjà tous les jours.
                    Cette proximité entre l’informatique et l’intimité est bien mar‑
                  quée par les montres connectées, qui enregistrent notre rythme
                  cardiaque, notre glycémie, notre nombre de pas par jour, etc. Elle
                  l’est aussi par les applications de suivi du sommeil, qui sont béné‑
                  fiques en soi, mais impliquent l’enregistrement des faiblesses de
                  l’utilisateur. Or la base de la chose militaire étant de frapper là où
                  l’ennemi est le plus faible, ces faiblesses pourraient être ensuite
                  utilisées contre lui. Un monde où toutes vos faiblesses intimes
                  seraient utilisées contre vous sera un monde épouvantable. Mais
                  rappelons‑ nous Rūmī : si vous établissez des pièges pour y faire
                  tomber l’humanité, vous finirez par y tomber vous‑ même. Cette
                  sapience, les marchands de faiblesse feraient bien de la méditer :
                  qui a vécu par l’espionnage périra par l’espionnage.
                    Ce que la chose militaire possède en son cœur, qui la rapproche
                  tellement de la chose industrielle (qu’elle a précédée en fait), c’est
                  la démultiplication de l’action. À la base de la supériorité tactique
                  comme stratégique, il y a la multiplication du levier d’un combat‑
                  tant. C’est à cela que servent les armes : de l’arc au drone, elles
                  donnent du levier à la destruction. Or, pour donner du levier à la
                  destruction, il faut donner du levier à son contrôle, et c’est là que
                  se situe la valeur neuroergonomique, amplifiée par la valeur de la
                  programmation génétique. Dans le film Her, un système d’exploi‑
                  tation intelligent apprend à seoir à la vie mentale de son utilisateur
                  en n’ayant recueilli que très peu d’information sur lui. Eh bien,
                  la programmation génétique peut s’entraîner à seoir à notre cer‑
                  veau de la même manière. L’informatique dit qu’elle le fait « à la
                  volée », c’est‑ à‑ dire à mesure qu’elle est utilisée : plus vous utilisez
                  le logiciel, plus il vous connaît, plus il vous sied. Cette aptitude
                  à « seoir à la volée » fait que la programmation génétique est un
                  allié considérable du neuromimétisme. Parce que si ce n’est pas
                  à notre cerveau de seoir à nos systèmes mais à nos systèmes de
                  seoir à notre cerveau, elle est ce qui se fait de plus efficacement et
                  massivement seyant. Cette informatique, qui est faite pour ça, peut
                  trouver rapidement la meilleure neuroergonomie pour un produit,
                  un service, ou un logiciel.


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