Page 134 - La mafia des generaux-Hichem Aboud _Classical
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La mafia des généraux

comprends aussi le silence de Nezzar qui se garde de le
citer. Il ne veut pas entrer en conflit ouvert avec Betchine.
Entre chiens, on ne se mord pas. Le général Betchine a
pourtant torturé de ses mains de jeunes manifestants, les
faisant ramper sur le gravier, les pantalons retroussés jus-
qu'aux genoux. En plein délire, et hurlant comme un fou,
il a ordonné à deux de ses victimes de se sodomiser en
public, sous la menace d'une baïonnette : « Je suis un
ancien boxeur. Je fracasserai vos figures. Je baiserai vos

mères, fils de putes! » rapportent, indignés, des officiers

qui ont assisté à ce terrible spectacle.

      À Dely Brahim, des bruits courent sur des diver-
gences entre les chefs militaires. Un groupe de généraux,
des anciens officiers maquisards isolés, s·est réuni chez le
général Lakehal Ayat au siège de la DGPS, tandis que les
hommes de confiance de Chadli, dont Nezzar et Betchine,
se trouvent au siège de l'état-major à Aïn Naadja.

      Les deux hommes parviennent à surmonter lems
divergences, et se mettent d'accord pour sauver le régime.
Betchine, pourtant hostile aux transfuges de l'armée colo-
niale, se met à leur service dès qu'ils lui offrent WlC petite
portion de pouvoir. Leurs intérêts passent avant toute autre
considération. Ils se font un devoir de mater l'émeute. On
tire à balles réelles sur les manifestants. Qui a douné
l'ordre d'ouvrir le feu?

      Un sous-officier des équipes volantes de la DGPS
rapporte que, sur la place du 1Cf Mai, il a entendu Nezzar
ordonner à un tanlciste de tirer au canon sur la foule. Bet·
chine le contredit en souplesse en ordonnant aux militaires
de tirer à ras de terre avec leurs Kalachnikov. Ce témoi·
gnage, Betchine me le confinnera cinq ans plus tard en

expliquant: « Je ne voulais pas qu'il y ait des massacres.
J'ai demandé aux militaires d'user de tirs de sommations
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