Page 233 - La mafia des generaux-Hichem Aboud _Classical
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Pendant les massacres, les affaires continuent... 231

double de ses besoins en matériaux de construction, tou-

jours frappés de pénurie, à des entreprises publiques, et

écoule ensuite l'excédent sur le marché noir au double,
voire au triple, du prix d'achat.

     Les barons, eux, s'approprient d'abord les résidences

de l'État, sous couvert de la loi de cession de biens de
l'État, pondue spécialement pour les besoins de la cause
en 1981. Les généraux mafieux ont ainsi acquis des rési-
dences d'une valeur de plusieurs centaines de millions de

dinars, pour une bouchée de pain. Ils en louent certaines à
des ambassades ou à des sociétés étrangères, et en reven-

dent d'autres en multipliant le prix d'achat par cent. Évi-

demment, dans ces transactions immobilières, le fisc ne

voit que du feu. En effet, la règle veut qu'en Algérie,

quand on vend une maison pour cent millions, on n'en

déclare que vingt ou trente sur l'acte de vente. De la même
façon, une villa louée cinquante millions est déclarée pour

deux ou trois au maximwn.

      Dans l'Algérie des généraux, il n'y a que les salariés
qui paient leurs impôts régulièrement, selon le barème offi-

ciel, car ils sont prélevés à la source. Les commerçants et

les professions libérales se débrouillent comme ils peu-
vent. « Tag aala men tag}) (<< C'est la loi du plus fort »),

selon une expression populaire. Puisque nos généraux sont
au-dessus des lois, rien n'empêche les autres de les

contourner. Il suffit d'avoir ses entrées dans les différents

rouages du système. À chacun selon son pouvoir.

      Le général-major Mostefa Benloucif en sait quelque
chose. En se rapprochant du président Boudiaf pour tenter
de déstabiliser les décideurs, il a fait tomber sur lui l'épée
de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête depuis 1987.

      Au début des années 80, Benloucif était l'homme fort
de l'armée algérienne. Il en a profité pour s'approprier de
nombreuses villas et résidences à Alger et à Annaba, dans
le cadre de la fameuse loi de cession des biens de l' État.
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