Page 238 - La mafia des generaux-Hichem Aboud _Classical
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La mafia des généraux

apercevant deux fourmis circulant l'une derrière l'autre sur
le dos du président font un pari. L'un pronostique que la
founni placée en seconde position finira par doubler sa
compagne avant d'arriver au niveau de la nuque. Le
second parie que, malgré ses efforts, elle n'y arrivera pas.
JI gagne. Étonné, son camarade lui demande comment il
savait que la deuxième founni ne réussirait pas son dépas-
sement. Et l'heureux gagnant de lui lancer : ces founnis
connaissent bien le code de la route. Il est interdit de dou-
bler sur un dos-d'âne.»

      Chadli, un président fainéant, illettré et apolitique, ce
n'était un secret pour personne. Nul n'a oublié ce fameux
discours dans lequel il afflIl11ait sans rire : « L'État qui n'a
pas de problèmes n'est pas un État; et Dieu merci, l'État
algérien n'a pas de problèmes. » Chadli était bel et bien
une marionnette entre les mains des généraux.

      Nous avons vu que leur décision de rappeler Moham-
med Boudiaf, qui n'était lui ni apolitique ni inculte, était
dictée par le fait qu'il avait perdu de vue la réalité algé-
rienne après vingt-huit ans d'exil. Cette méconnaissance
devait faire de lui une mariormette idéale. Son intelligence
lui a coûté la vie.

     Ali Kafi s'est trouvé à la tête de l'État par « acci-

dent ». 11 a terminé le mandat du Haut Comité d'État, tota-

lement effacé par la mafia, qui se méfiait beaucoup de cet
ancien colonel chef de la wilaya 11 au temps de la guerre
de libération. Il était interdit d'assemblée publique. Ses
rares apparitions à la télévision étaient censurées sans
ménagement.

      Cette censure, dont fait l'objet le chef de l'État, j'ai
pu la vérifier dans le courant de l'année 1993, lors d'une
conférence de presse donnée par Kafi. Au cours de cette
réunion, j'avais posé deux questions au président. Leur
fonnulation et leur teneur n'étaient pas du goût des cen~
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