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RAPPORT DE SYNTHESE DU PROJET DECONSTRUIRE LA VIOLENCE PAR L’ART
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au sein de l’école en particulier et lors de leur quotidien en défaut de mentalisation, les failles de gestion…etc. C’est ainsi
général. Nous avons constaté que la libre parole a dévié par que le comportement agi serait un moyen d’expression et de
la suite du contexte scolaire au contexte familial. décharge des émotions désagréables et constitue en soi une
Les réponses reçues ont été marquées par une énorme tentative de régulation non adaptée. Partant de cette idée,
violence. Cela témoignerait de la non-incorporation des il s’agit d’amener l’enfant à travers un accompagnement ré-
règles déjà instaurées à ce stade, ce qui nous poussent à flexif de trouver de nouveaux moyens, ne répondant pas aux
travailler encore plus sur ce point. Pour eux la récréation de schèmes habituels (appris, imités…), de faire face. De ce fait,
l’école est le lieu pour les disputes. il s’agit ici d’aborder d’une manière incontournable les liens
Parmi les réponses données nous pouvons citer : indissociables entre émotion, cognition et comportement il-
«انضعب يف لبحلاب وبرضن ,... ةرجشلا يف هوقلعن ,ةقلفلاب هوبرضن» lustrés par la figure ci-dessous :
Durant ce groupe de parole, il y avait des enfants qui ont té-
moigné d’une violence vécue hors du contexte scolaire. Un de Emotion
ces enfants a raconté une violence vécue à un âge très pré-
coce de la part de son père. Il nous a rapporté un souvenir de
maltraitance paternel quand il avait 2/3 ans. La maltraitance
a été répétée à d’autres âges scolaires. L’enfant insistait avec
beaucoup de chagrin, traduit par ses gestes, que même à cet
âge précoce il se souvenait de cette maltraitance.
Ce témoignage soulignerait que le corps se souvient à
défaut de l’esprit de chaque expérience. Ben Rejeb (2016) in-
siste sur la mémoire du corps à partir même de la grossesse Cerveau
et la conception de l’enfant. Cette expérience vécue décrivait
un père qui n’a pas contenu le rejet de son enfant durant ces Corps
premiers mois de vie, ce qui pourrait expliquer son compor-
environnement
tement agressif projeté sur les autres.
Le deuxième témoignage portait sur un cas de violence
Cognition Comportement
dans la fratrie à cause de la jalousie. L’enfant nous a rapporté
que son frère lui a fait du mal quand il était très petit. Il ajou-
tait qu’à ce moment-là il n’a pas pu se défendre. Cette mal-
traitance a duré deux ans, selon les dires de l’enfant. Cet en- Figure 4 : Illustration du lien entre émotion, cognition et compor-
tement.
fant expliquait son comportement agressif actuel envers les
autres, un comportement qui a fait défaut auparavant. Une
violence physique vécue est devenue le modèle à suivre dans Il serait pertinent dans ce rapport de faire une analyse
tout autre contexte. plus en détails de la frustration chez l’enfant par rapport à plu-
Ces réponses témoigneraient d’une violence morale et sieurs aspects que nous traitons progressivement, à savoir
physique qui révélerait la nature de l’environnement dans le- les sources, les mécanismes, les processus…etc. D’abord, il
quel baignent les enfants. serait convenable de définir ce que c’est que la frustration.
Un enfant s’est spontanément exprimé lors de cet échange : Freud (1927) (cité par De Larrard, M. (2018)) disait que « nous
« Quand quelqu’un me frappe je ne peux pas m’empêcher de appellerons frustration le fait qu’une pulsion ne peut pas être
le frapper de retour / satisfaite, interdit l’institution qui impose cette frustration et
« يحور دشن شمجنم ينبرضي دحاو يك شبرضنم شمجنم ». privation, l’état que cet interdit provoque ». Partant d’une cri-
Nous avons essayé d’expliquer aux enfants que la com- tique selon laquelle une telle conception a pour inconvénient
munication est la seule solution pour s’en sortir. Aussi, nous majeur de confondre plusieurs modalités du manque. Lacan
avons insisté sur l’importance de demander le pardon si (cité par De Larrard, 2018) en distingue trois, à savoir : la priva-
quelqu’un s’est comporté d’une façon inappropriée. tion ; la frustration ; la castration.
Par ailleurs, nous avons noté que les enfants manifestaient Une distinction établie à partir de trois volets, dont : l’agent
des difficultés liées à l’identification et à l’expression de leurs du manque ; l’objet du manque ; le manque lui-même comme
états émotionnels avec une inhabilité à pouvoir faire des opération.
connexions entre leurs émotions, leurs idées et leurs pen- Suivant ces démarcations, Lacan (cité par De Larrard,
sées. M. (2018)) postulait que pour le jeune enfant, nous pouvons
Selon Jouanne (2006), cette attitude chez les enfants nous contenter, pour situer la frustration, de penser aux ob-
n’est pas forcément à considérer comme un déficit de l’affec- jets réels qui pourraient lui manquer. Le manque lui-même,
tivité. Elle peut être envisagée comme : dans la frustration, est imaginaire. En effet, la frustration est le
· Un véritable processus adaptatif ; domaine des exigences sans limites. Dans le monde humain
· Une imitation de l’attitude même des parents par rap- où l’enfant constitue son désir, la réponse est scandée par
port à leurs propres émotions ; un « Autre », Autre « paternel » ou « maternel » qui donne ou
· Une défense, un gel pulsionnel, émotionnel visant à refuse, et d’abord donne ou refuse sa présence. C’est cette
protéger l’enfant (par exemple suite à un traumatisme ou une alternance de la présence et de l’absence qui donne à l’agent
maltraitance infantile…). de la frustration sa dimension symbolique.
Synthétiquement, ce dernier saisi en termes de « passage D’inspiration humaniste, la psychologue Larivey (2002)
à l’acte » témoignerait selon des études scientifiques d’un dé- parle de la frustration comme étant une pseudo-émotion
ficit au niveau de cette sphère, dont la non verbalisation, le renvoyant à un état, tout comme l’insatisfaction en est un.
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