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RAPPORT DE SYNTHESE DU PROJET DECONSTRUIRE LA VIOLENCE PAR L’ART
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Synthèse et
conclusions
Les groupes d’expression avec les différentes médiations ar- les participants un nouvel espace de liberté. Selon les dires
tistiques ainsi que les groupes de paroles avec les parents des enfants, les moments passés lors des ateliers étaient
et les groupes d’analyse des pratiques professionnelles me- “uniques”, dans le sens où ils diffèrent totalement des mo-
nés auprès des enseignants ont abouti aux conclusions sui- ments qu’ils passent dans les salles de classe, ce qui leur
vantes : permet de créer une rupture avec la monotonie du quotidien
et au sein même de l’école.
1. En ce qui concerne les enfants
Concrètement, ce projet pilote a stimulé la créativité des
enfants. Il y avait des ateliers moins réussis sur le plan des
L’intervention auprès des enfants a conclu que :
réalisations artistiques mais ils étaient tous, sans excep-
· Le type de violence le plus répandu est le type de « vio- tion, très riches et satisfaisants sur le plan relationnel ou so-
cial. Nous avons ainsi réalisé qu’il y avait des avantages in-
lence expressive » (Balzacq, 2011) qui trouve son origine
trinsèques à la médiation artistique qui, même s’ils ne sont
dans une perte de contrôle de soi. Par son comportement
pas explicitement attendus, étaient immédiatement grati-
violent, l’enfant chercherait sa revanche comme réaction à
fiants pour les enfants participants : le plaisir esthétique, les
la frustration générée par une agression ;
qualités ludiques et cognitives de l’activité, la socialité et la
· Compte tenu de la restriction (voire l’absence) des acti-
jovialité.
vités ludiques, les enfants n’ont pas comment se défouler,
Les différents ateliers ont, entre autres, permis aux en-
donc ils se tournent les uns vers les autres et privilégient
fants d’apprendre dans la liberté, naturellement. Ils ont favo-
des jeux violents ;
risé les échanges, l’expression et les confrontations d’idées.
· Les enfants qui optent pour des conduites violentes à
Ils ont été pour les élèves un lieu de reconnaissance de soi et
l’école ne vivent pas tous dans des conditions socio-éco-
de l’autre, de création, dans un cadre bien défini.
nomiques défavorables ;
· La violence subie a tendance à se répéter sous la forme
· Amélioration des compétences affectives et sociales
de violence agie. Ces enfants cherchent à éviter de se re-
Par le biais des ateliers dont la thématique différait d’une
trouver dans des conditions similaires à celles qu’ils ont
séance à une autre, nous avons accompagné les enfants
vécues. Le manque de contrôle émotionnel, l’impulsivité,
dans leur développement individuel, en les soutenant dans
l’agressivité et autres symptômes témoignent d’une forme
leurs explorations et leurs intérêts. En effet, nous avons va-
d’hypervigilance continue comme s’ils cherchent à évi-
lorisé et encouragé la rencontre des élèves avec leurs pairs,
ter de se retrouver dans des conditions similaires à celles
le partage, le jeu, l’échange des connaissances et les décou-
qu’ils ont vécues ;
vertes, ce qui a facilité leur intégration sociale.
· Des passages à l’acte et des formes de jeux particulières,
Au fil des séances, et grâce à la continuité des ateliers,
parfois étranges, de recherche de loisirs marqués par la ré-
nous avons noté un enrichissement et une amélioration -bien
pétition des violences subies ;
que légère- dans les capacités de socialisation des enfants.
· Certains enfants se sont tellement habitués à la violence
Soulignons que le premier atelier de l’élaboration de charte
verbale qu’ils ne la perçoivent pas en tant que violence ;
d’engagement a été très bénéfique dans ce sens, puisqu’il
· La violence massive, chronique et brutale détruit les
a permis aux élèves d’instaurer le cadre dès les premières
croyances fondamentales de l’enfant, ses capacités d’ap-
séances et de bien appréhender les règles de base à respec-
prentissage et ses aptitudes de socialisation. Elle porte
ter pendant tous les ateliers : respect, écoute, coopération.
atteinte au sentiment d’être une personne (Soi/Self) et se
Autrement dit, les élèves étaient dès le début préparés à s’ac-
transforme en un trauma psychique ;
cepter mutuellement, malgré la singularité de chacun.
· Un déficit dans la régulation des émotions, des difficul-
Progressivement, nous avons remarqué que les enfants
tés à parler d’eux-mêmes, de ce qu’ils ressentent, réflé-
sont devenus plus communautaires. Ils ont amélioré leur ca-
chissent, comme si une partie de leur espace psychique
pacité d’appartenir au groupe. Ils sont désormais plus ouverts
n’était pas à leur portée ;
à accepter les autres, indépendamment de leurs différences.
· Des difficultés à moduler ses affects et son impulsivité, ce
Ils sont également plus tolérants, plus empathiques et plus
qui s’accompagne d’agressivité envers les autres ou envers
respectueux les uns envers les autres. Ceci a particulière-
soi-même ;
ment été remarqué lors des dernières activités groupales
· Des troubles cognitifs liés à des problèmes d’attention, de
(dessin de groupe, préparation d’un gâteau, jeux éducatifs…)
la capacité de régler l’état de vigilance et un certain degré
où les enfants faisaient preuve de complémentarité et appré-
de désorganisation temporo-spatiale. Les difficultés sco-
ciaient ces moments de partage et de co-création.
laires sont fréquentes même si les capacités sont bonnes.
Selon une revue de la littérature, l’art aurait un effet positif
L’apport de la médiation artistique sur le développement des comportements pro-sociaux chez
l’enfant comme l’entraide, le partage et l’empathie. La création
en coopération, accompagnée par l’adulte, a de nombreuses
A travers ce projet, nous avons constaté que les ateliers me-
propriétés éducatives. Elle enseigne les associations, la né-
nés avec les enfants des deux écoles représentaient pour
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