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RAPPORT DE SYNTHESE DU PROJET DECONSTRUIRE LA VIOLENCE PAR L’ART
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gociation, les concessions, les échanges équitables, les ser, de l’acte moteur spontané à l’expression cultivée. » (Dou-
rôles de chacun et leurs responsabilités. Elle stimule et déve- menc, 2011)
loppe le respect de l’espace de création des pairs et apprend Plus spécifiquement, les enfants étaient initiés au proces-
à éviter les jugements de valeur sur les autres. Considérée sus de création et plus capables de produire des œuvres
comme un langage implicite des sensations, elle permet à artistiques de qualité, qui laissent des traces tangibles sus-
l’enfant de communiquer ses émotions et de laisser sa trace citant des réactions tant au niveau des animatrices que des
au sein d’un groupe. (Haeger, 2015) pairs, ce qui affirme la capacité de l’enfant à exister dans
Parallèlement, le travail sur la gestion émotionnelle avec le regard de l’autre. Ceci appuie les données de la littéra-
les enfants, les a aidés à bien connaître les émotions de base, ture, qui considèrent que les activités artistiques au sein
mieux les identifier, afin de pouvoir les exprimer convenable- de l’école visent à rendre l’élève autonome, capable d’une
ment. En effet, l’enfant est une personne. L’émotion est au expression personnelle nourrie d’expériences, de ré-
cœur de l’individu, c’est l’expression de sa vie. Savoir l’écou- flexion sur ces expérimentations, de confrontation avec la
ter, la respecter, c’est écouter sa personne et la respecter. démarche des autres enfants et celle des artistes (Guilford,
Durant les groupes d’expression, et notamment à tra- 1950).
vers leur agitation et leur quête d’attention, plusieurs enfants Grâce à ces ateliers, les enfants ont gagné de l’expérience
ont manifesté un grand besoin de communiquer ce qu’ils en médiation artistique. Ils ont pu créer des œuvres gratifiantes,
vivaient, ce qu’ils ressentaient, ce qui nourrissait leurs ima- ce qui a boosté leur estime de soi. A titre d’exemple, à travers
ginations. Selon Mazliah (2007), « plus les enfants ont l’occa- l’atelier de préparation de pâtisserie, les enfants ont apprécié
sion d’exprimer leurs sentiments, leurs expériences et leurs le fait de créer, et voir le gâteau se mettre en forme avec leurs
idées par le mouvement, plus ils acquerront la confiance propres mains. Ceci leur a apporté une grande confiance
en leur capacité de bouger et de communiquer avec leur en leur potentiel et a favorisé leur dépassement de soi.
corps. »
Par l’expression, l’enfant tente en quelque sorte de mettre · Evolution intellectuelle
en forme sa propre image. Il nous a été donc crucial de bien A travers les groupes de paroles valorisant l’expression des
décortiquer les différents modes d’expression des enfants, émotions, et avec la guidance des animatrices, certains en-
en favorisant les jeux de rôles et l’association libre des pen- fants ont acquis une nouvelle compétence : c’est le fait de se
sées. Les improvisations des élèves ont été accueillies par repositionner par soi-même et par rapport aux autres. Ces
les animatrices comme fruit de leurs expressions person- enfants sont désormais plus capables d’accepter leurs la-
nelles, leur permettant de renforcer positivement leur estime cunes et leurs erreurs. Ils connaissent leurs limites et s’au-
de soi. tocritiquent.
Au-delà du domaine affectif, la permission de s’exprimer Ainsi, à travers la participation et l’inclusion, les ateliers
a aidé les enfants à mieux s’imposer, ainsi que l’illustre Lau- ont permis aux enfants de développer leur esprit critique et
ret : « Plus le langage est riche, y compris quand il est emprun- de réfléchir sur leurs mauvaises pratiques. Par ailleurs, les
té à un autre, plus il offre la possibilité de décrire l’expérience enfants sont légèrement plus capables d’entretenir des re-
de façon précise, nuancée, subtile, mieux il rend possible le lations avec les pairs plus saines, basées sur le dialogue et
partage avec l’autre. » (Lauret, 2014) la complémentarité. Ceci montre que les ateliers ont contri-
Les ateliers consacrés à la gestion des émotions ont pré- bué, d’une manière ou d’une autre, à faciliter l’apprentissage
paré les enfants à leur future vie d’adulte, en acquérant « une des enfants et améliorer leurs capacités de rationaliser, leur
adaptation souple et vive à l’environnement », selon les mots concentration, ainsi que l’autodiscipline.
de Maria Montessori. Ces ateliers, qui ont permis aux enfants Dans ce même sens, Geneviève (2005) avance que
de s’exprimer, leur permettent de se confronter à leurs res- « l’atelier à médiation est très révélateur et porteur par rapport
sentis et ainsi leur apprendre à se connaître et à enrichir leurs à chaque enfant ; il est considéré comme un outil thérapeu-
capacités sociales. « L’activité, si elle ne vient pas se poser tique, repérable par le tout-petit et sa famille, attractif, angois-
en activisme, viendra soutenir son estime de soi » dont l’en- sant parfois, nécessairement constructif, permettant un travail
fant a besoin pour se construire et se libérer de l’emprise des d’élaboration autour de la parole et de l’imaginaire »
autres. (Randonnier, 2012, p. 24). Les groupes d’expression par la médiation artistique ont
ainsi été d’extraordinaires terrains de découvertes et d’entraî-
· Développement de l’imagination nements des différentes habiletés, tant la multitude d’actions
L’imagination est une faculté essentielle qui se développe y est possible. Toutefois, nous sommes restées vigilantes au
tout au long de l’enfance et dont les bénéfices sont pluriels propre rythme de découverte de chaque enfant, ainsi qu’à
pour le développement de l’enfant. Elle nécessite un environ- son développement et à sa capacité à réaliser une étape ou
nement libéré de cadres rigides. même la totalité de l’activité demandée. « Pour que l’imagi-
A travers les ateliers, nous avons veillé à offrir une écoute naire de l’enfant se développe, il doit se sentir libre d’entrer ou
bienveillante aux enfants, afin de favoriser leur estime de soi non dans l’activité proposée. Il doit disposer d’un large choix
et laisser exprimer toute leur imagination. Après avoir vécu de matériaux et surtout se sentir libre d’interrompre son activi-
plusieurs interactions avec eux, nous avons constaté que les té pour la reprendre à un autre moment. » (Desarzens, 2007, p.
enfants qui participaient régulièrement aux cycles d’ateliers 11) Cette individualisation de participation à l’activité agissait
avaient développé leur capacité d’imagination. Ils sont dé- dans le but ultime de favoriser l’autonomie, nécessaire à la
sormais plus aptes à s’exprimer à travers les improvisations capacité d’être créatif.
théâtrales ou les dessins libres. En effet, les activités réali- Selon Katz-Mazilu (2018), art-thérapeute et présidente
sées ont permis de mobiliser les élèves « de la sensorialité à de la fédération française d’art-thérapie, les activités artis-
la rationalité, de la sensibilité à l’intelligence, de l’agir au pen- tiques stimulent l’imaginaire, facilitent l’expression et surtout
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