Page 29 - Fleurs de pavé
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Claude Cotard – Fleurs de Pavé.
Patience pour laisser l'autre redécouvrir la confiance
envers autrui, et ça peut être très très long. Jusqu'à ce
qu'il raconte sa vraie vie. Ça demande du temps, mais du
temps tu pourrais en revendre.
Ne va surtout pas lui demander toi de raconter sa vie !
Ça ne se fait pas dans le monde de la rue !
Petit truc pour discerner invention et réalité dans le
discours : quand tu perçois du soulagement dans la voix,
de l'émotion, de la souffrance, c'est que tu viens de
mettre en lumière quelque chose qui jusque-là était resté
soigneusement enfoui.
Quand tu perçois de la vantardise, que le type est fier de
ce qu'il te raconte, dis-toi que s'il ne te ment pas à toi, il se
ment à lui même. Tous regardent derrière eux avec une
plaie ouverte, avec beaucoup de souffrance.
Plus il va rire de ce qui l'a conduit ici, plus en réalité il en
souffre. S'il rit fort, c'est pour gueuler moins fort sa
souffrance.
Attention quand même, ne va pas te prendre pour ce que
tu n'es pas et provoquer des catastrophes en prétendant
sauver le monde. Tu n'es pas un psy et rien ne te permet
de juger, parce que tu ferais mieux de te regarder avant.
Vous êtes toi et lui dans la même situation. Au final, vous
êtes dans le même train. Et si un compagnon de route fini
par te raconter le secret de sa déchéance, il est très
fréquent que ce secret soit une découverte pour celui-là
même qui te le révèle, mais pour une fois qu'il trouve une
oreille attentive, contente-toi d'écouter attentivement.
De toute façon, s'il parle, c'est plus pour lui que pour toi,
parce qu'il est essentiel de vider son sac de temps en
temps. C'est une soupape pour ne pas exploser. Une
question de survie. Alors, facilite la parole, écoute et
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