Page 24 - Fleurs de pavé
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Claude Cotard – Fleurs de Pavé.
Je sens que je pue, que je suis sale avec mes cheveux
hirsutes.
Une journée passée à marcher à travers la ville
incite au repos. Avant il y avait des bancs et des chaises
métalliques à la disposition du public dans les jardins.
C'est important de pouvoir s'asseoir sur un banc ou une
chaise quand le soleil brille, c'est plus agréable pour
pouvoir regarder comment vivent les autres. Pour méditer
sur son passé, sur son enfance, sur sa vie, avant la rue.
C'est plus agréable les fesses sur une chaise, un banc...
Maintenant on est obligé de rester debout ou de s'asseoir
par terre et c'est humiliant ! Comme si on ne comptait
plus parmi les êtres humains.
Je tourne, je vire en me fondant dans la foule.
Je traverse le centre de Paris, de la gare du nord à la porte
de Versailles, de la porte de Barbes au bois de Vincennes.
Je me mêle aux lécheurs de vitrines. Je compte mes pas,
je vois filer les heures.
Je n'ai pas mangé depuis des lustres. Mon estomac est
paralysé. Mon cerveau est à l'arrêt. Que fait-on quand on
n'a plus d'identité ? Quand on est qu'une ombre ?
Le soir arrive et je me retrouve dans ma cave, mon palace
sans étoiles. Je suis effondrée, épuisé, mais même pas
étonnée. C'est déjà une routine.
Encore une nuit à tuer, une nuit longue comme une
éternité à se réchauffer comme je peux dans cette cave
froide et noire, en espérant m'endormir plus vite que la
veille.
Pourtant, je m'efforce de rentrer tard. J'aime les lumières
de ma ville le soir. Comme disait l'ami Borhinger, c'est
beau une ville la nuit ! J'aime la proximité des gens, de la
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