Page 25 - Fleurs de pavé
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Claude Cotard – Fleurs de Pavé.
nuit, même si pour eux je n'existe plus. Même si pour
beaucoup je suis à éviter, comme un lépreux, des fois que
la misère soit contagieuse.
J'aime la nuit, c'est mon monde, une autre vie, une autre
planète où les gens sont moins constipés que dans la
journée. C'est festif.
Si dans la journée la plupart ont un balai dans le c.., font
la gueule, ce qui peut se comprendre puisque la majorité
vont bosser, la nuit c'est une autre faune.
La nuit ils rêvent ! Il y a les fêtards bambocheurs, les
artistes, les voyous et ces dames. Les poètes aussi sortent
la nuit. Même les filles sont plus abordables.
Les gens sont moins stressés, donc plus généreux.
C'est toujours plus agréable de déambuler la nuit sur les
Champs Élysée que de rester dans une geôle noir et sans
chauffage, dans le silence de ta misère.
Une heure passe dans ma caverne, puis deux ; la fatigue
est là, mais j'épie le moindre bruit.
Les centres d'hébergement, les '' CHRS '' (Centre
d'hébergement et de Réinsertion Sociale) comme ils
disent, j'ai déjà essayé, c'est tout un roman.
Il y a un début à tout, un soir, d'un pas assuré, le sac bien
accroché à l'épaule, tu te lances. Et très vite tu as un
problème. Les autres.
Comme disait Sartre, '' l'enfer c'est les autres ''.
Bien avant l'heure d'ouverture, ils piétinent devant
le centre d'hébergement. Ils sont une vingtaine voire plus
à faire la queue devant les locaux.
Tous ces types qui attendent comme toi dans cette rue, ce
n'est pas possible, tu ne peux pas aller avec eux, tu n'es
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