Page 27 - Fleurs de pavé
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Claude Cotard – Fleurs de Pavé.
Si tu as un animal ou une bonne raison de penser
que tu as des flics accrochés à tes baskets, passe ton
chemin. Tous les centres d'accueil sont obligés de tenir
un livre de police plus ou moins bien tenu et plus ou
moins régulièrement contrôlé.
Les animaux, on les refuse systématiquement.
Ou tu l'abandonnes à la SPA, ou ailleurs, ou tu restes
dehors. Cela dit, même pour le laisser à la SPA tu dois
payer alors... Mais ça n'arrive jamais, on n'abandonne pas
le seul être qui t'apporte encore un peu d'humanité, de
tendresse quand il te donne une lèche, qu'il se couche à
tes pieds, te réchauffe la nuit. Lui, il n'a rien demandé,
alors c'est à toi de veiller sur lui, d'essayer de lui rendre
l'amour qu'il te donne sans limites. Parce que lui il ne
regarde pas à ta voiture, à ton compte en banque, à ton
allure extérieure. Même si t'es moche, il t'aimera quand
même. Si toi tu sais pourquoi tu es en galère, lui il ne sait
pas. Il ne regarde pas si tu es beau ou moche comme un
cul de grabataire bicentenaire. Tout ce qui l'intéresse lui,
c'est une caresse de temps en temps, sa gamelle bien sûre,
et surtout que tu sois là, près de lui. C'est un amour
inconditionnel qu'il te donne ; et le moindre de tes
devoirs c'est d'essayer de le lui rendre.
Alors, l'abandonner... Tu n'es plus un homme pour faire
ça ! Tu es devenu comme lui, un animal.
C'est le seul vrai ami qui te reste. Celui-là au moins tu es
sur de sa fidélité, pas comme les hommes.
Une fois que tu es inscrit, c'est cool, muni de ta
carte de pointage toute neuve, tu te présentes à 18 H pour
ta première nuit à l'asile. Pour une nuit, ou une quinzaine
de jours si tu as de la chance, suivant le centre, et
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