Page 129 - Des ailes pour le Brésil
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Elle fut élevée rudement et reçut une très bonne éducation, ce qui
                  était pour moi très important.

                      Quand nous nous sommes rencontrés, Éliane avait la trentaine
                  et sa fille Érica, huit ans.

                      Dès son enfance, elle avait commencé à gagner un peu d'argent,
                  en apprenant très tôt la valeur du travail, dans d’épineux champs de

                  coton,  des  fabriques  de  chiques  de  tabac,  et  la  dure  besogne  du
                  conditionnement de la noix de cajou.
                      Sans  être  des « travaux  forcés »,  il  est  évident  que  pour  ses

                  employeurs,  le  respect  des  lois  sur  le  travail  et  la  protection  de

                  l’enfance n’était pas des préoccupations prioritaires.
                      Et n’étends pas déclarée, elle ne pouvait pas se plaindre auprès
                  des  inspecteurs  du  travail,  sous  peine  de  représailles  familiales

                  souvent sanglantes.
                      Encore un paradoxe du Brésil.

                      Intenter un procès contre son employeur est sans espoir, c’est
                  le « pot de terre contre le pot de fer », et la justice pour la protection

                  des enfants mineurs est un leurre.
                      Certains travailleurs n’ont même pas de documents d’état civil.

                       Actuellement, les inspecteurs du travail utilisent les drones pour
                  dénicher  les  travailleurs  sans  permis  de  travail  et  en  situation

                  irrégulière, dans les grandes fermes du sud.
                           À ce moment de ma vie, je me posais beaucoup de questions.

                      Devais-je  continuer  à  vivre  seul  à  Paris,  cloîtré  dans  un
                  appartement en location depuis vingt ans ? Ou bien recommencer
                  une nouvelle vie avec Éliane et sa fille Érica et m’adapter en pleine

                  brousse à un type de vie inconnue, totalement différente.
                       Aussi, étais-je préparé, et aurais-je la force pour subir ce nouveau

                  défi ? En tout cas, la pensée de redevenir papa,  d’en assumer la
                  responsabilité et d’avoir la capacité d’élever Érica me préoccupa -

                  alors que j’avais consacré peu de temps à l’éducation de ma propre
                  fille Véronique.

                      Je me trouvais confronté aux vicissitudes d’une nouvelle vie, sous
                  un  autre  climat,  sans  protection  médicale,  et  sans  parler

                  correctement la langue.
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