Page 154 - Des ailes pour le Brésil
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découvrent un clandestin à bord d’un bateau sont d'une somme
considérable.
Comme il était mineur, âgé de dix-sept ans, la police bien
embarrassée et impuissante légalement, ne savait qu’en faire.
Les réfugiés à cette époque étaient rarissimes, surtout dans notre
région perdue.
Étant le seul capable de communiquer avec lui, la justice et la
police me demandèrent de le prendre sous notre toit et nos ailes
pendant six mois, jusqu'à sa majorité.
Après un conciliabule avec ma famille, nous acceptâmes de le
garder, non sans une certaine méfiance, car nous ne connaissions
rien de son passé.
Quand Éliane allait avec lui à Cascavel, les gens voulaient le
toucher, Jack le « rescapé » qui représentait pour eux un archange,
une divinité, une bénédiction.
Ensuite, la justice nous imposa sa tutelle, sa garde pendant un
an, au lieu des six mois prévus.
Plusieurs médias voulaient connaître son histoire et les
plateaux de télévision se l'arrachaient, c’était un scoop.
Il fut invité dans des émissions de télévision à Fortaleza, où je
découvris en l’accompagnant les truquages de la mise en scène
locale.
Il nous raconta que se sentant menacés par des musulmans, il
avait fui à pied le Nigeria, puis traversé trois pays pendant plus d’un
an, le Bénin, le Togo et le Ghana, pour arriver finalement en Côte
d'Ivoire, où il embarqua clandestinement sur son navire, après
plusieurs malheureuses tentatives pour rejoindre l’Europe.
Durant son séjour à Port-Bouët, il nous raconta les souffrances
auxquelles sont confrontés les migrants clandestins.
Un de ses compagnons avait été retrouvé mort, intoxiqué par la
pulvérisation à grands jets de pesticides dans la cale d'un cargo
transportant des ananas.
Un jour, un huissier de Justice nous remit une convocation
pour le Palais de Justice au sujet de Jack, le naufragé.