Page 62 - Correspondance coloniale
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avez parlé de liberté, d’égalité, de fraternité. Vous avez susurré
des mots comme « départementalisation » ou « Nouvel Etat ».
Elle a cru que c’était une tentative pour restaurer sa dignité. A
bout, ayant déjà beaucoup perdu, elle a cédé. Y voyant là une
situation plus supportable que le pire.
Pour préserver les quelques enfants qui lui restaient, pour
préserver aussi les enfants que vous lui avez confié.
Nous avons tous espéré en une sorte de rédemption morale. Mais
en fait, vous avez gardé votre statut d’abuseur et vous avez
continué vos assauts…en toute légalité.
Mes entrailles se tordent, je vais rendre mes boyaux. Dans mon
jeune âge je me suis bercé d’histoires plus douces. La vérité me
déchire.
J’existe grâce à une succession d’abus.
Mais qui suis-je ?
Si je suis le fruit d’un viol, loin de ma mère. Que celle qui a pris
soin de moi n’est pas ma mère. Et qu’elle a pris soin de moi en
étant votre otage abusé.
Qui suis-je ?
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