Page 105 - ANGOISSE
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Paris, Ministère de la Santé – 14 Juin – 10h53
Le visage du Ministre de la Santé était véritablement décomposé. La fatigue
n’y était pas étrangère mais surtout durant le court trajet entre les deux
ministères il n’avait cessé de penser à ses deux nièces ainsi qu’à leurs
adorables enfants. Il les chérissait plus que tout au monde n’ayant pu lui-
même avoir la chance d’être père. Le Ministre de la Défense ne bluffait pas et
il n’avait pas douté une seule seconde que la menace serait mise à exécution
s’il ne se conformait pas au discours qu’il devait prononcer. Téléphoner à son
collègue de l’intérieur afin qu’il puisse les mettre sous protection policière
s’était révélé impossible vu le zèle de ses « accompagnateurs », en particulier
celui qui s’était placé à ses côtés sur la banquette arrière du véhicule militaire.
Ce dernier n’était manifestement pas un personnage avec lequel on pouvait
transiger dès lors qu’il avait reçu un ordre et il le lui avait bien fait savoir en lui
plaçant ostensiblement la crosse de son FAMAS dans les côtes. Histoire de lui
rappeler de cette manière que s’il commettait le moindre geste inapproprié, il
en subirait aussitôt les conséquences sur un plan corporel. La douleur qu’il
aurait eu à subir en tentant d’agir lui importait peu mais celle-ci était bien
inutile dans la mesure où il savait d’avance que face à un homme aguerri, sans
doute un commando, il ne pourrait jamais avoir le dessus.
A défaut de l’utilisation de ses muscles, il tenta de se concentrer pour
réfléchir en espérant trouver une solution mais aucune ne lui vint à l’esprit. Il
était bel et bien piégé et nul moyen de pouvoir s’extraire du dilemme qui était
le sien. Cela le rebutait pour des raisons en rapport avec sa conscience et sa
morale de stigmatiser l’ensemble des musulmans alors que la responsabilité
incombait à une minorité d’entre eux parmi les plus fanatisés. Au risque de
déclencher une véritable guerre civile pour ne pas dire une guerre de religion.
Avec toutes les conséquences imprévisibles susceptibles d’en découler tant il
était aisé d’en définir le commencement sans connaître quel en serait le terme.
Et après combien de victimes innocentes dans les deux camps opposés ? Par
ailleurs la simple pensée que sa propre famille, tout aussi innocente, puisse
disparaître, lui était insupportable, inadmissible. Tout bonnement
inconcevable.
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