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Paris, Ministère de la Santé – 14 Juin – 10h53


           Le visage du Ministre de la Santé était véritablement décomposé. La fatigue
        n’y  était  pas  étrangère  mais  surtout  durant  le  court  trajet  entre  les  deux
        ministères  il  n’avait  cessé  de  penser  à  ses  deux  nièces  ainsi  qu’à  leurs
        adorables  enfants.  Il  les  chérissait  plus  que  tout  au  monde  n’ayant  pu  lui-
        même avoir la chance d’être père. Le Ministre de la Défense ne bluffait pas et
        il n’avait pas douté une seule seconde que la menace serait mise à exécution
        s’il ne se conformait pas au discours qu’il devait prononcer. Téléphoner à son
        collègue  de  l’intérieur  afin  qu’il  puisse  les mettre  sous  protection  policière
        s’était révélé impossible vu le zèle de ses « accompagnateurs », en particulier
        celui qui s’était placé à ses côtés sur la banquette arrière du véhicule militaire.
        Ce dernier n’était manifestement pas un personnage avec lequel on pouvait
        transiger dès lors qu’il avait reçu un ordre et il le lui avait bien fait savoir en lui
        plaçant ostensiblement la crosse de son FAMAS dans les côtes. Histoire de lui
        rappeler de cette manière que s’il commettait le moindre geste inapproprié, il
        en subirait aussitôt les conséquences sur un plan corporel. La douleur qu’il
        aurait eu à subir en tentant d’agir lui importait peu mais celle-ci était bien
        inutile dans la mesure où il savait d’avance que face à un homme aguerri, sans
        doute un commando, il ne pourrait jamais avoir le dessus.
           A  défaut  de  l’utilisation  de  ses  muscles,  il  tenta  de  se  concentrer  pour
        réfléchir en espérant trouver une solution mais aucune ne lui vint à l’esprit. Il
        était bel et bien piégé et nul moyen de pouvoir s’extraire du dilemme qui était
        le sien. Cela le rebutait pour des raisons en rapport avec sa conscience et sa
        morale de stigmatiser l’ensemble des musulmans alors que la responsabilité
        incombait à une minorité d’entre eux parmi les plus fanatisés. Au risque de
        déclencher une véritable guerre civile pour ne pas dire une guerre de religion.
        Avec toutes les conséquences imprévisibles susceptibles d’en découler tant il
        était aisé d’en définir le commencement sans connaître quel en serait le terme.
        Et après combien de victimes innocentes dans les deux camps opposés ? Par
        ailleurs la simple pensée que sa propre famille, tout aussi innocente, puisse
        disparaître,  lui  était  insupportable,  inadmissible.  Tout  bonnement
        inconcevable.

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