Page 106 - ANGOISSE
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Dans moins de trois minutes, ils allaient arriver jusqu’à son Ministère et
alors les dés seraient lancés sans qu’il ne soit parvenu à se résoudre pour un
choix ou pour l’autre. Chacun d’entre eux étant cornélien. Quelle que soit
l’option elle allait marquer à jamais sa conscience au fer rouge.
En scientifique qu’il était, il tenta de transposer le dilemme diabolique qui
était le sien en termes médicaux. « Lorsque parmi les choix que l’on doit
réaliser ne se trouve aucune bonne solution, on se doit d’opter pour la moins
mauvaise d’entre elles » martelait fréquemment l’un de ses professeurs
lorsqu’il était encore étudiant à la faculté de médecine. En l’occurrence quelle
était la moins mauvaise ? Mentalement, les yeux clos, il imagina une feuille
blanche sur laquelle il traçait quatre colonnes identiques. La première et la
troisième marquées du signe « Plus » et la seconde ainsi que la quatrième du
signe « moins » avec au-dessus de chaque paire de colonnes la mention « Je
protège ma famille » et « Je refuse de céder à la menace ». Les arguments en
faveur ou non de chaque option commençaient à s’aligner sur la feuille
imaginaire lorsqu’il fut secoué sans ménagement par son cerbère.
- Oh ! Vous dormirez plus tard mais pour l’instant on vous attend pour votre
discours.
Les jambes vacillantes il s’extirpa du véhicule militaire avec la plus grande
difficulté. Sa tête lui donnait l’impression qu’elle risquait d’exploser à tout
moment. Et pour couronner le tout, la feuille conçue par son esprit
commençait petit à petit à s’effacer sans qu’il ne soit parvenu à réaliser la
totalisation des plus et des moins de chaque option. Il comprit rapidement qu’il
avait besoin ne serait-ce que d’une toute petite minute supplémentaire pour
faire ce macabre total. C’est alors qu’il s’effondra sur le sol sans l’avoir
réellement prémédité. Il perdit immédiatement connaissance durant un temps
qui lui parut incroyablement long alors qu’il ne s’était écoulé que quelques
dizaines de secondes tout au plus. Lorsqu’il reprit conscience la totalisation
venait de s’achever et surtout un argument déterminant avait fait jour dans
son esprit. Même s’il accédait aujourd’hui à l’injonction du Ministre de la
Défense cela ne changeait que de quelques jours ou peut-être même de
quelques heures le cours de l’histoire. Le fait que le porc ait été choisi comme
vecteur de transmission de la ricine afin de ne pas toucher la population
musulmane n’étant qu’un secret de polichinelle, il était certain que de
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