Page 109 - ANGOISSE
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Pigastel, Les Abattoirs Bretons -14 Juin – 11H21
L’information vola de bouches en oreilles à une vitesse stupéfiante. Au bout
de dix minutes à peine tout l’atelier de découpe, pourtant vaste, était au
courant du discours du Ministre de la Santé. Non seulement on tuait des
français par milliers avec cette ricine dont tous les médias parlaient presque
sans interruption mais en plus les musulmans étaient quant à eux épargnés par
les terroristes. La colère grondait et elle ne manqua pas d’éclater, sans limite,
sans entrave.
- Ces putains de bougnoules nous assassinent impunément ! Vociféra une
femme dont le mari avait été hospitalisé quelques heures plus tôt.
- Oui, tu as raison, répliqua un de ses collègues de la chaîne de production, ils
veulent tous nous tuer !
Le responsable de l’atelier tenta d’intervenir afin d’apaiser la haine qui
s’expulsait à flots bileux mais il fut rapidement bousculé, injurié.
- T’as pas encore compris sombre connard qu’à cause de ces enculés c’est
peut-être toi demain qui va te retrouver au fond d’un trou avec une belle caisse
en bois autour de ton cadavre !
L’homme ne chercha pas à répliquer tant l’animosité était clairement
palpable à son égard. Il ne voulait pas constituer l’exutoire de cette violence
qui n’était pour l’instant que verbale bien qu’on devinât qu’à tout moment elle
puisse rapidement dégénérer en agression physique.
- Perso, j’ai pas entendu le discours du Ministre mais ma femme vient de
m’envoyer un SMS pour me dire que les terroristes utilisaient des seringues
pour piquer la viande avec leur saloperie de poison, intervint un ouvrier au
milieu de la masse compacte de ses collègues qui s’était naturellement formée
autour du responsable de l’atelier.
- On n’en a rien à foutre qu’ils utilisent des seringues ou des pics à glace,
répondirent plusieurs d’entre eux.
- Ben si, reprit-il posément. Qui nous dit que parmi nous ne se trouve pas l’un
de ces terroristes ? Ils peuvent être partout et passer totalement inaperçus.
Le doute plana quelques secondes dans les esprits.
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