Page 113 - ANGOISSE
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nombreuses de ses collègues féminines dans ce local réservé exclusivement
aux hommes. A peine eut-il franchi le seuil de la porte d’entrée qu’une masse
compacte se jeta sur lui en commençant à le rouer de coups de poings et de
coups de pieds sur tout le corps. Seule la tête fut un instant épargnée. Un court
instant seulement. Loïc, le gros balèze lui adressa alors un monumental coup
de pied, asséné avec ses chaussures de sécurité, sur le sommet du crâne.
Malgré le bruit ambiant déclenché par cette fureur on entendit distinctement
le son caractéristique provoqué par des os qui se rompent. Ahmed perdit
connaissance immédiatement tandis que son sang d’un rouge vif vermillon
commençait à s’échapper de tous les orifices de son visage. Ce qui eut pour
effet, de manière quasi mécanique, de mettre fin au lynchage. Dès lors tous
les regards se pointèrent en direction du chef.
- Qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
- On ne sait même pas s’il encore vivant.
- On n’en a rien à foutre. Qu’elle crève cette sale ordure, hurla une femme dans
un état de surexcitation extrême.
- Oui, elle a raison ! reprirent plusieurs hommes.
Sans s’être préalablement concertés, ceux qui venaient de répondre par
l’affirmative s’approchèrent alors du corps et le soulevèrent comme ils
auraient agi avec une carcasse de porc. Le plus fort d’entre eux le porta sur
l’épaule avant de prendre la direction de la sortie. De nouveau une colonne
improvisée se forma et tous le suivirent dans l’escalier. A cet instant chacun
savait comme si une conscience unique les dirigeait, ce qui allait ensuite se
dérouler bien qu’aucun n’émette la moindre opposition ou ne soit en capacité
d’en émettre une. Pas même le responsable de l’atelier qui demeurait
littéralement atterré par ce à quoi il venait d’assister impuissant.
Quelques instants plus tard une tronçonneuse à viande s’enfonçait dans le
poitrail d’Ahmed. L’espace de quelques secondes il parvint à soulever ses
paupières et chacun put alors observer ses yeux frappés tout à la fois de
stupeur et de terreur. Il poussa un cri puis ce fut la curée.
Personne ne se rendit compte que le responsable de l’atelier venait de
s’effondrer sur le sol. Il sanglotait en répétant inlassablement la même
phrase : « Ahmed avait une seringue parce qu’il était diabétique et qu’il devait
se piquer ».
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