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Pigastel, CHU -14 Juin – 15H41



           Les craintes du Directeur étaient parfaitement fondées. Après une relative
        accalmie d’à peine quelques heures de nouveaux patients étaient arrivés au
        CHU avec une densité pratiquement aussi élevée qu’au début de la crise.
        -  Je  ne  comprends  pas,  lui  confia  son  assistante.  Tout  le  monde  devrait
        désormais être censé savoir que la transmission du toxique s’opère lorsqu’on
        mange du porc ou des produits à base de porc ayant été contaminés à la ricine.
        La logique voudrait que nous ayons de moins en moins de personnes atteintes
        alors que le flot se poursuit inlassablement.
        - Puis-je vous confier un tout petit secret Annie ?
        - Bien entendu et vous savez que cela ne sortira jamais de ce bureau.
        - Je suis issu d’une famille extrêmement modeste dans laquelle on ne mangeait
        pas tous les jours à notre faim. Ne vous apitoyez surtout pas sur mon sort
        matériel  de  cette  époque,  nous  étions  pauvres  mais  j’ai  eu  cette  chance
        fabuleuse d’avoir des parents qui m’ont donné beaucoup d’amour. Je vous dis
        cela car aujourd’hui encore plus qu’hier la foule de ceux que les économistes
        qualifient pudiquement comme vivants en dessous du seuil de pauvreté sont
        légion. Et croyez-vous que ces gens-là ont accès à l’information ? La réponse
        est  non.  Croyez-vous  que  ces  gens-là  même  s’ils  savaient  le  danger  qu’ils
        courent s’interdiraient de manger de la viande providentielle ? La réponse est
        encore non.
        - Qu’appelez-vous de « la viande providentielle » ?
        - Qu’allez-vous faire lorsque vous allez enfin pouvoir rentrer chez vous ? Je
        veux dire, compléta-t-il avec un petit sourire, à part aller vous reposer.
           Son assistante ne voyant pas où il voulait en arriver resta muette. Aussi le
        Directeur poursuivit son raisonnement.
        - Eh bien, vous me dites si je me trompe, vous allez logiquement vous rendre
        jusqu’à votre réfrigérateur, votre congélateur et tous les placards contenant
        les produits alimentaires les plus divers. Et ce dans le but de vérifier toutes les
        étiquettes afin de savoir si chez vous se trouve du porc. Et d’une manière tout
        aussi rationnelle, puisque c’est le Ministre de la Santé lui-même qui en a donné

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