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Pigastel, CHU -15 Juin – 07H12



           Le Directeur tempêtait et profita du fait qu’il était seul, étant enfin parvenu
        à convaincre son assistante qu’elle devait rentrer chez elle afin de se reposer
        au moins quelques heures, pour lâcher quelques jurons bien sonores. Cela
        faisait plus d’une heure qu’il tentait désespérément de joindre le cabinet du
        Préfet sans qu’il n’arrive à obtenir autre chose que la sempiternelle annonce
        que toutes les lignes étaient occupées. Malgré tous les efforts consentis par le
        personnel du CHU, la situation était devenue totalement ingérable. La ricine
        n’était désormais plus son unique préoccupation. Depuis la veille au soir ses
        services avaient dû faire face à l’arrivée de nombreuses personnes blessées le
        plus souvent par armes blanches. Depuis quelques coupures ou entailles plus
        ou moins bénignes susceptibles d’être soignées dans un délai assez bref si leur
        nombre n’était pas si nombreux jusqu’à la valse des ambulances, pompiers,
        SAMU,  venus  déposer  les  brancards  dans  lesquels  se  trouvaient  les  plus
        touchés  lorsqu’il  ne  s’agissait  pas  d’une  urgence  vitale.  La  folie  semblait
        littéralement s’être emparée de toute l’agglomération et de la majorité de ses
        habitants. Et il n’existait que peu d’espoir d’entrevoir une accalmie dans ce
        sombre paysage. Plusieurs médecins libéraux, conscients de cette situation,
        étaient  venus  proposer  spontanément  leurs  services,  ce  dont  il  les  avait
        remerciés  chaleureusement  en  acceptant  sans  rechigner  leur  assistance.
        Malgré  tout,  l’effectif  était  très  nettement  insuffisant  et  ce  d’autant  qu’il
        n’avait eu d’autre choix que d’instaurer un roulement du personnel afin que
        celui-ci puisse alternativement se reposer. En dehors de cette insuffisance en
        termes d’effectifs venait au surplus se greffer un problème matériel de taille,
        le  nombre  de  places  disponibles  ou  plus  exactement  celles  qui  faisaient
        cruellement  défaut.  Difficulté  totalement  insurmontable  sans  l’aide  des
        services  de  la  Préfecture.  Tous  les  services  du  CHU  ainsi  que  les  quatre
        gymnases  mis  à  sa  disposition  étaient  entièrement  saturés  et  il  n’était
        évidemment pas concevable dans son esprit de laisser des patients allongés
        directement  sur  le  sol  si  tant  est  d’ailleurs  qu’il  restât  encore  des  espaces
        disponibles. Il avait tenté vainement de retourner le problème dans tous les

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