Page 124 - ANGOISSE
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couleur sombre s’il avait eu à témoigner. D’instinct il s’était rencogné dans la
porte cochère à l’abri de laquelle il s’était assis depuis quelques heures, perdu
dans ses pensées. Comme souvent, il avait fait le choix de ne pas rentrer chez
lui mais pour une fois il avait, du moins le pensait-il, une excellente raison. Son
avenir il en était certain se jouerait cette nuit. Une partie de lui-même voulait
quitter la France pour rejoindre ceux qu’il nommait ses frères afin de participer
avec eux au combat en Syrie. Partir également pour retrouver plusieurs de ses
camarades jihadistes issus de son quartier et dont il vénérait le courage. Sa
décision était presque prise. Il ne lui manquait plus qu’un dernier petit pas à
accomplir. L’imam lors de leur échange, sans le savoir estima-t-il tout d’abord,
avait semé le doute dans son esprit, à moins, supposa-t-il finalement, qu’il ait
eu vent de ses intentions et que son intervention ne fut en rien le fruit du
hasard.
Ses réflexions, parfois contradictoires, s’entrechoquaient dans son esprit
lorsqu’il s’était aperçu que les hommes en noir se dirigeaient vers la mosquée.
Ceux-ci transportaient à la main quelque chose qu’il jugea dans un premier
temps comme des bidons. Avant de se rendre compte qu’il s’agissait en fait de
jerricans. Ils allaient mettre le feu à la mosquée, à sa mosquée !! fut l’idée qui
s’insinua aussitôt dans son esprit. Cette pensée devint rapidement
insupportable. Il se devait absolument d’agir.
Tout se déroula alors à une vitesse stupéfiante.
Il courut dans la direction de la mosquée. En quelques rapides enjambées il
se retrouva dans le dos de l’un des hommes et se jeta sur lui aussitôt afin de
l’étrangler. La surprise passée, ce dernier relâcha son jerrican et d’une prise
ferme et rapide fit basculer Akim au-dessus de ses épaules. Ce dernier se
retrouva étalé par terre sur le dos. Le temps qu’il prenne conscience de ce qui
s’était produit, l’homme était déjà à califourchon sur son abdomen et lui
maintenait les poignets comme si ceux-ci avaient été serrés dans un étau. Il
voulut crier mais aucun son ne parvenait à s’extraire de sa bouche. Le chef du
commando qui avait assisté à la scène s’approcha et dévisagea le jeune
musulman. Son visage lui était inconnu. Puis lentement il s’empara d’un long
couteau et d’un geste vif trancha la gorge d’Akim. Enfin, s’adressant à l’homme
qui le maintenait encore à terre, il lui indiqua d’une voix sans émotion :
- Abandonne le cadavre ici. On a encore une mosquée à faire brûler.
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