Page 129 - ANGOISSE
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Banlieue de Pigastel, – 07H12
Annie, l’assistante du Directeur du CHU était au volant de son petit
véhicule. Elle se morigénait intérieurement d’avoir donné suite à l’injonction
de son patron de retourner chez elle pour se reposer. Elle ressentait une
certaine forme de culpabilité de quitter le « champ de bataille » bien qu’elle
n’ait connu aucune minute de répit et par conséquent de sommeil depuis près
de quarante-huit heures. Personne de toute façon ne l’attendait dans son petit
appartement depuis que son mari était décédé brutalement deux ans plus tôt.
A la suite de cette disparition ayant fait éclater son existence elle avait
rapidement compris que sans réaction de sa part elle allait petit à petit
sombrer dans la dépression comme une longue descente aux enfers. Ce qu’elle
avait tout d’abord accepté avec une certaine résignation avant de finir par
réagir.
A partir de ce moment-là son travail allait devenir son seul et unique
exutoire à sa souffrance morale. Dès lors elle n’avait plus compté ni les heures
ni ses efforts afin de s’occuper l’esprit en espérant que chacun de ses actes
puisse contribuer, même modestement, à soulager d’autres souffrances.
Celles de ceux parmi les quatre cents patients que comptait chaque jour
l’hôpital, attendant avec espoir et inquiétude mêlés, que les « blouses
blanches » viennent les soulager ou les guérir.
Malgré l’heure matinale il régnait déjà une chaleur étouffante et Annie se
prit à regretter de ne pas avoir choisi un modèle de voiture disposant d’une
climatisation. De la sueur coulait le long de ses tempes et elle redoutait
d’avance de se retrouver dans son petit appartement qui devait déjà
ressembler à un four. Dormir dans ces conditions relevait dans son esprit d’une
mission quasi impossible bien qu’elle éprouvât une grande lassitude. Au point
que sans en avoir véritablement conscience elle était gagnée par de nombreux
bâillements de plus en plus rapprochés les uns des autres
- Non, ma fille, s’écria-t-elle en se parlant à elle-même. Tu n’as pas le droit de
te préoccuper de ta petite personne tandis que tes collègues continuent à
bosser dans des conditions épouvantables. Et peu importe si le Directeur n’a
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