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Tous les médias – 15 Juin – Dès 18h12


           Les  flashs  spéciaux  se  succédaient  les  uns  aux  autres,  repassant
        inlassablement les mêmes images de cette femme voilée se faisant exploser
        face à un parterre de policiers. Il n’y avait aucune censure de la vidéo par les
        responsables de rédaction qui s’étaient retranchés derrière le fait qu’on n’y
        voyait  pas  de  sang  ni  de corps  démembrés  et  que de  toute manière  cette
        dernière  tournait  librement  en  boucle  sur  le  net.  Comme  souvent  en  la
        circonstance un bilan des victimes avait été annoncé de manière hasardeuse
        et  généralement  contradictoire  d’une  chaîne  ou  d’une  station  à  l’autre.
        Rapidement les premiers « spécialistes du terrorisme » étaient apparus sur les
        plateaux de télévision ou de radio et allaient bon train de leurs commentaires
        qui ne faisaient, en réalité, que reprendre les informations déjà connues pour
        les accommoder différemment avec les maigres biscuits dont ils disposaient.
        Correspondant à l’adage selon lequel on pouvait en dire beaucoup sans savoir
        grand-chose.  Durant  ce  temps,  des  équipes  journalistiques,  les  fameux
        envoyés spéciaux, avaient été dépêchées sur place dans le but de montrer
        d’autres images que la vidéo dont on savait qu’elles finiraient par lasser le
        public  en  l’absence  de  compléments  d’informations  dont  chacun  voulait
        avidement se nourrir. Fussent-ils de simples détails sans importance ou des
        témoignages  « exclusifs »  de  badauds  parqués  à  l’extérieur  de  la  cité
        expliquant leur traumatisme en ayant simplement entendu cette explosion à
        laquelle ils n’avaient pas assisté.
           Une vaste zone avait été rapidement délimitée afin d’interdire, de manière
        assez utopique, tout accès physique au lieu où s’était produit l’explosion mais
        surtout les forces de police et de secours arrivées en premier sur place avaient
        eu  pour  consignes  impératives  des  autorités  compétentes  d’étendre  un
        maximum de draps, bâches et en l’occurrence tout ce qui était immédiatement
        disponible, afin de masquer les corps et le sang. En sachant que depuis la tour
        d’autres  vidéos  ne  manqueraient  pas  d’être  filmées  et  diffusées.  Un  trafic
        commençait  d’ailleurs  à  s’organiser.  Un  occupant  au  sixième  étage  d’un
        appartement donnant directement sur la scène des crimes, plus malin ou plus
        pervers que les autres, avait vite compris que les journalistes étaient en quête

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