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Paris, Ministère de l’intérieur – 16 Juin – 15h13


           Le ministre aurait été heureux si la mort de son ami n’avait pas entaché son
        enthousiasme.  Chaque  minute  qui  passait  apportait  son  lot  de  bonnes
        nouvelles. D’interpellations de terroristes lesquels avaient l’impression d’être
        plus  que  jamais  traqués  par  les  forces  de  l’ordre  aussi  bien  que  par  la
        communauté musulmane qui ne se contentait plus de livrer des informations
        par  l’intermédiaire  du  Conseil  Français  du  Culte  Musulman  mais  apportait
        désormais sa contribution plus directe en procédant elle-même à ses propres
        arrestations avant de les confier aux policiers ou gendarmes. D’autre part la
        foule manifestait ouvertement son attachement aux principes républicains, ce
        qui avait pour effet de réchauffer le cœur du ministre pris dans un tourbillon
        qui dépassait largement ses espérances. Il eut une pensée de plus pour son
        ami. Ce dernier quant à lui n’avait jamais douté que le peuple se lèverait d’un
        seul  élan  pour  briser  toutes  les  tentatives  d’autoritarisme  et  de  dictature.
        Combien  avait-il eu  raison.  Sa  foi  profonde en  l’homme  dans  ce  qu’il  peut
        recéler de meilleur avait toujours été infaillible. Il lui manquait.
           Il ne pouvait toutefois se laisser bercer par ses pensées alors que tant de
        choses restaient encore à accomplir. En bon fleurettiste qu’il avait été durant
        ses jeunes années, il savait que le moment était venu de porter l’estocade. Il
        rejoignit la cour centrale du ministère devenue une véritable fourmilière avec
        les  va-et-vient  incessants  des  femmes  et  des  hommes  voués  à  servir  et
        protéger la population, partant ou revenant d’une nouvelle mission. La plupart
        fatigués, épuisés mais poursuivant inlassablement leur tâche sans rechigner. A
        sa vue, sans un mot, tous s’arrêtèrent et vinrent faire cercle autour de lui. Puis
        ils l’applaudirent spontanément. Le ministre en ressentit une immense fierté
        et faillit même verser une larme avant de se reprendre sans que quiconque ne
        soit toutefois dupe de son émotion.
        -  Je  vous  remercie  tous  très  sincèrement,  entonna-t-il  d’une  voix  aussi
        puissante que possible. Le temps est proche où nous pourrons nous reposer
        de nos blessures, celui aussi au cours duquel nous pourrons lever un verre en
        signe de victoire face aux défis qui ont été les nôtres jusqu’à présent mais en
        attendant j’ai encore besoin de vous pour une tâche essentielle à la poursuite

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