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Paris, Ministère de la Santé – 14 Juin – 4h58


           L’horaire  de  la  rencontre  était  inhabituel  entre  les  deux  hommes  mais
        aucun d’entre eux n’y prêta attention dans la concentration extrême qui était
        la leur. Toutes les capacités cognitives étaient canalisées, connectées à une
        fonction exclusive. Préserver l’intégrité physique, à défaut de tous les Français
        tant la mission était impossible, du moins celle de la majorité d’entre eux.
        Aucun  de  leurs  prédécesseurs  n’avaient  eu  à  traiter  pareille  crise  et  ils  ne
        disposaient  par  conséquent  d’aucun  référentiel.  Le  seul  mot  d’ordre  étant
        l’improvisation dans le spectacle dramatique dicté par les terroristes.
           Le Ministre de la Santé avait convié son Directeur Général à la suite de
        l’appel de ce dernier pour l’informer de l’hypothèse diablement crédible de
        l’utilisation de la ricine lors de la crise sanitaire qui secouait le pays. Un rapport
        ne lui suffisait pas, il voulait avoir son ressenti en direct. Les yeux dans les yeux.
        Ne serait-ce que pour se rassurer lui-même quant aux décisions qu’il aurait à
        prendre dans l’heure qui suivrait. De nouvelles initiatives qui lui seraient sans
        doute reprochées ultérieurement par le Président de la République, songea-t-
        il avec une certaine amertume mais qu’il devait toutefois assumer compte
        tenu de l’urgence de la situation. Devait n’était pas le terme exact, il en avait
        pleinement conscience puisqu’il ne s’agissait pas d’une obligation statutaire
        mais  d’une  nécessité  morale  bien  plus  importante  à  ses  yeux.  Face  à  des
        milliers de lits, le plus souvent improvisés dans un gymnase ou une salle des
        fêtes,  des  médecins,  des  infirmières,  des  aides-soignantes  luttaient
        courageusement  pour  préserver  la  santé  de  leurs  patients.  En  se  battant
        contre  un  ennemi  inconnu.  Tous  savaient  désormais  depuis  l’intervention
        télévisée du Président de la République qu’il n’y avait jamais eu d’intoxication
        alimentaire mais un empoisonnement. Mais quel poison ? quel toxique ? Et
        par  conséquent  quel  traitement  adopter ?  Ces  questions  devaient
        inlassablement tourner en boucle dans la tête de tous les soignants.
           Le  Ministre  venait  d’apprendre  de  la  bouche  même  de  son  Directeur
        Général  le  nom  du  poison  certainement  incriminé  ainsi  que  le  fait  qu’il
        n’existait aucun traitement curatif mais cette information devait malgré tout
        être  communiquée  à  tous  les  centres  de  soins.  Il  était  essentiel  pour  un

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