Page 56 - L'Empreinte du temps
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Elle  n’était  pas  totalement  convaincue  par  cette  théorie,  au
          demeurant  plutôt  rassurante  mais  ne  reposant  sur  aucune
          rationalité. Si l’auteur des faits avait avec autant de méticulosité et
          d’acharnement  découpé  ces  feuilles  de  papier,  c’est  qu’il  devait
          probablement posséder une excellente raison. A moins bien entendu
          d’imaginer  qu’il  s’agisse  de  l’œuvre  d’un  dérangé  mental.  Ce  qui
          n’était pas à exclure non plus.
          - Conclusion ma petite Clarice. Primo tu fermes ta gueule en gardant
          bien soigneusement pour toi seule cette bévue à la con, secundo si
          malgré tout ça s’évente d’une manière ou d’une autre tu détruis tout
          illico presto et tertio, indiqua-t-elle avec un fatalisme déjà empreint
          de lassitude, il va falloir te cogner un puzzle géant comme punition
          de ta bourde.
            Sans attendre, en imaginant l’immensité de la tâche à accomplir
          qu’elle  ne  pourrait  évidemment  confier  à  personne,  elle  vida  le
          contenu du sac à scellé sur le sol. Les puzzles n’avaient jamais été son
          fort, se rappelant seulement être parvenue au moment de sa période
          pré-ado à reconstituer un deux cents pièces, encouragée en cela par
          le fait que celui-ci représentait son chanteur idole du moment. Avec
          à l’époque un avantage pour le moins considérable, disposant alors
          pour assembler les pièces d’une photo d’illustration. Mais ce soir, pas
          de photo, pas d’aide et une difficulté supplémentaire liée au fait que
          les  morceaux  de  papier  ne  constituaient  pas  une  entité  unique.
          Clarice se souvenait en effet qu’il fallait commencer par le cadre. Sauf
          qu’ici il n’y avait pas un cadre mais autant qu’il y avait de feuilles dans
          ce fatras géant ! Essayant de lutter contre la lassitude qui tentait de
          la  gagner  elle  commença  par  rechercher  de  manière  méthodique
          tous  les  éléments  disposant  d’au  moins  un  côté  parfaitement
          rectiligne.  Ce qui  lui  prit  près de deux heures d’un  travail  intense
          chargé de tension oculaire et nerveuse. A l’issue de ce premier travail
          elle disposait de deux tas bien distincts, les éléments des cadres de
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