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FICHE 9 : L’ESPACE DANS LE RÉCIT





          Dans la littérature narrative, l’espace est une représentation (au même titre que le temps). Il est, en
          effet, imaginé par l’écrivain. Celui-ci choisit le(s) lieu(x) où va se dérouler l’action, il le(s) décrit avec plus
          ou moins de précision et investit l’espace narratif d’une signification qui diffère d’un texte à l’autre.

          L’espace tient une place plus ou moins importante dans la narration, selon son étendue et la période
          où l’œuvre paraît. Il n’en reste pas moins qu’un espace est nécessaire au déroulement de l’intrigue.
          La narration étant une construction, il est donc possible d’analyser le choix des lieux et la description
          qui en est faite.


          Analyser le choix des lieux

          Il est nécessaire de s’interroger sur les lieux dans la narration, dans la mesure où ils s’articulent en un
          monde textuel à l’image du monde réel ou non. Ainsi, ancrer un roman dans la réalité, ou inversement,
          élaborer un univers non réaliste a une incidence sur l’atmosphère de l’histoire racontée. L’auteur peut
          ainsi créer une atmosphère angoissante ou apaisante, mélancolique ou heureuse, etc. Un lieu peut être
          associé à un personnage et le caractériser (ex : Quasimodo, le bossu de Notre-Dame-de-Paris dans le
          roman de Victor Hugo).








            Les lieux où débute et où       Exemple
            s’achève la narration ont une
            importance considérable. Il     Ainsi, dans Thérèse Desqueyroux (1927) de François Mauriac, l’héroïne
            est toujours intéressant de     éponyme sort du tribunal, dans l’incipit, serrée de près par son père et
            les confronter.                 son avocat dans la rue. Elle commence un voyage qui la mène à la maison
                                            familiale où, bien que reconnue innocente du crime dont elle était accusée
                                            (l’empoisonnement de son mari), elle va être séquestrée.
                                            Dans l’explicit, en revanche, elle se sépare définitivement de son mari,
                                            venu l’accompagner à Paris, et se fond dans la foule pour ne plus
                                            reparaître, à la fois libérée et seule.
                                            La symétrie de ces deux situations passe par deux lieux symboliques :
                                            le tribunal dont elle sort (le jugement de la Loi), et celui dont elle échappe
                                            (la famille). C’est alors au jugement du lecteur qu’elle est livrée.








            La succession des lieux dans    Exemple
            la narration est tout aussi
            importante. L’observation de    Dès l’incipit de L’Idiot (1869) de Fiodor Dostoïevski, le héros passe d’une
            celle-ci permet de constater    institution médicale (espace ouvert mais immobilité) où il a été gardé
            la restriction d’espace ou son   pendant plusieurs années pour guérir de l’épilepsie, au train (espace clos
            amplification au contraire, la   mais en mouvement) qui l’amène à Moscou. C’est dans ce lieu-ci qu’il va
            symétrie ou le contraste d’un   rencontrer un homme qui va l’introduire dans la bonne société moscovite
            espace à l’autre.               qu’il va mettre sens dessus-dessous. Derrière le double paradoxe de la
                                            symbolique de ces lieux (ouvert-fermé, fermé-ouvert), l’auteur suggère
                                            l’ironie avec laquelle il faut lire son roman (où l’Idiot n’est pas celui qu’on
                                            pense).





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